FETES DE LA FAIM

Ma faim, Anne, Anne,

Fuis sur ton âne.

Si j’ai du goût, ce n’est guères

Que pour la terre et les pierres.

Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! Je pais l’air

Le roc, les Terres, le fer.

Tournez, les faims, paissez, faims,

Le pré des sons !

L’aimable et vibrant venin

Des liserons ;

Les cailloux qu’un pauvre brise,

Les vieilles pierres d’églises,

Les galets, fils des déluges,

Pains couchés aux vallées grises !

Mes faims, c’est les bouts d’air noir ;

L’azur sonneur ;

– C’est l’estomac qui me tire.

C’est le malheur.

Sur terre ont paru les feuilles :

Je vais aux chairs de fruit blettes.

Au sein du sillon, je cueille

La doucette et la violette.

Ma faim, Anne, Anne !

Fuis sur ton âne.

Entends comme brame

près des acacias

en avril la rame

viride du pois !

Dans sa vapeur nette,

vers Phœbé ! tu vois

s’agiter la tête

de saints d’autrefois...

Loin des claires meules

des caps, des beaux toits,

ces chers Anciens veulent

ce philtre sournois...

Or ni fériale

ni astrale ! n’est

la brume qu’exhale

ce nocturne effet.

Néanmoins ils restent,

– Sicile, Allemagne,

dans ce brouillard triste

et blêmi, justement !