Les reparties de Nina

LUI. – Ta poitrine sur ma poitrine,

Hein ? nous irions,

Ayant de l’air plein la narine,

Aux frais rayons

Du bon matin bleu, qui vous baigne

Du vin de jour ? ...

Quand tout le bois frissonnant saigne

Muet d’amour

De chaque branche, gouttes vertes,

Des bourgeons clairs,

On sent dans les choses ouvertes

Frémir des chairs :

Tu plongerais dans la luzerne

Ton blanc peignoir

Rosant à l’air ce bleu qui cerne

Ton grand œil noir

Amoureuse de la campagne,

Semant partout,

Comme une mousse de champagne,

Ton rire fou :

Riant à moi, brutal d’ivresse,

Qui te prendrais.

Comme cela, – la belle tresse,

Oh ! – qui boirais

Ton goût de framboise et de fraise,

ô chair de fleur !

Riant au vent vif qui te baise

Comme un voleur,

Au rose églantier qui t’embête

Aimablement :

Riant surtout, à folle tête,

À ton amant ! ...

– Ta poitrine sur ma poitrine,

Mêlant nos voix,

Lents, nous gagnerions la ravine,

Puis les grands bois ! ...

Puis, comme une petite morte,

Le cœur pâmé,

Tu me dirais que je te porte,

L’œil mi-fermé...

Je te porterais, palpitante,

Dans le sentier :

L’oiseau filerait son andante :

Au Noisetier. .

Je te parlerais dans ta bouche :

J’irais, pressant

Ton corps, comme une enfant qu’on couche,

Ivre du sang

Qui coule, bleu, sous ta peau blanche

Aux tons rosés :

Et te parlant la langue franche...

Tiens ! ... – que tu sais...

Nos grands bois sentiraient la sève

Et le soleil

Sablerait d’or fin leur grand rêve

Vert et vermeil.

Le soir ? ... Nous reprendrons la route

Blanche qui court

Flânant, comme un troupeau qui broute,

Tout à l’entour

Les bons vergers à l’herbe bleue

Aux pommiers tors !

Comme on les sent toute une lieue

Leurs parfums forts !

Nous regagnerons le village

Au ciel mi-noir ;

Et ça sentira le laitage

Dans l’air du soir ;

Ça sentira l’étable, pleine

De fumiers chauds,

Pleine d’un lent rythme d’haleine,

Et de grands dos

Blanchissant sous quelque lumière ;

Et, tout là-bas,

Une vache fientera, fière,

À chaque pas...

– Les lunettes de la grand-mère

Et son nez long

Dans son missel ; le pot de bière

Cerclé de plomb,

Moussant entre les larges pipes

Qui, crânement,

Fument : les effroyables lippes

Qui, tout fumant,

Happent le jambon aux fourchettes

Tant, tant et plus :

Le feu qui claire les couchettes

Et les bahuts.

Les fesses luisantes et grasses

D’un gros enfant

Qui fourre, à genoux, dans les tasses,

Son museau blanc

Frôlé par un mufle qui gronde

D’un ton gentil,

Et pourlèche la face ronde

Du cher petit...

Que de choses verrons-nous, chère,

Dans ces taudis,

Quand la flamme illumine, claire,

Les carreaux gris ! ...

– Puis, petite et toute nichée

Dans les lilas

Noirs et frais : la vitre cachée,

Qui rit là-bas...

Tu viendras, tu viendras, je t’aime !

Ce sera beau.

Tu viendras, n’est-ce pas, et même...

ELLE. – Et mon bureau ?

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