Le lendemain, les peuples firent le dénombrement des survivants. Il se trouva que la bataille coûtait neuf mille hommes environ ; une évaluation sage porta la perte des Xipéhuz à six cents. De sorte que la mort de chaque ennemi avait coûté quinze existences humaines.
Le désespoir se mit dans les cœurs, beaucoup criaient contre les chefs et parlaient d’abandonner l’épouvantable entreprise. Alors, sous les murmures, je m’avançai au milieu du camp et je me mis à reprocher hautement aux guerriers la pusillanimité de leurs âmes. Je leur demandai s’il était préférable de laisser périr tous les hommes ou d’en sacrifier une partie ; je leur démontrai qu’en dix ans la contrée Zahelale serait envahie par les Formes, et en vingt le pays des Khaldes, des Sahrs, des Pjarvanns et des Xisoastres ; puis, ayant ainsi éveillé leur conscience, je leur fis reconnaître que déjà un sixième du redoutable territoire était revenu aux hommes, que par trois côtés l’ennemi était refoulé dans la forêt. Enfin je leur communiquai mes observations, je leur fis comprendre que les Xipéhuz n’étaient pas infatigables, que des massues de bois pouvaient les renverser et les forcer de découvrir leur point vulnérable.
Un grand silence régnait sur la plaine, l’espoir revenait au cœur des guerriers innombrables qui m’écoutaient. Et pour augmenter la confiance, je décrivis des appareils de bois que j’avais imaginés, propres à la fois a l’attaque et a la défense. L’enthousiasme renaquit, les peuples applaudirent ma parole et les chefs mirent leur commandement à mes pieds.