COLIN.
Je ne sais où j’en suis,
COLETTE.
Trop près, sans y songer, je me suis approchée.
COLIN.
Je ne puis m’en dédire, il la faut aborder.
(À Colette, d’un ton radouci, et d’un air moitié riant moitié embarrassé.)
Ma Colette… êtes-vous fâchée ?
Je suis Colin : daignez me regarder.
COLETTE, osant à peine lever les yeux sut lui.
Colin m’aimait ; Colin m’était fidèle :
Je vous regarde, et ne vois plus Colin.
COLIN.
Mon cœur n’a point changé ; mon erreur trop cruelle
Venait d’un sort jeté par quelque esprit malin :
Le Devin l’a détruit ; je suis, malgré l’envie,
Toujours Colin, toujours plus amoureux.
COLETTE.
Par un sort, à mon tour, je me sens poursuivie.
Le Devin n’y peut rien.
COLIN.
Que je suis malheureux !
COLETTE.
D’un amant plus constant…
COLIN.
Ah ! de ma mort suivie,
Votre infidélité…
COLETTE,
Vos soins sont superflus ;
Non, Colin, je ne t’aime plus.
COLIN.
Ta foi ne m’est point ravie ;
Non, consulte mieux ton cœur :
Toi-même en m’ôtant la vie,
Tu perdrais tout ton bonheur.
COLETTE.
(À part.) (À Colin.)
Hélas ! Non, vous m’avez trahie,
Vos soins sont superflus ;
Non, Colin, je ne t’aime plus.
COLIN.
C’en est donc, fait vous voulez que je meure ;
Et je vais pour jamais m’éloigner du hameau,
COLETTE, rappelant Colin qui s’éloigne lentement.
Colin !
COLIN.
Quoi ?
COLETTE.
Tu me fuis ?
COLIN.
Faut-il que je demeure
Pour vous voir un amant nouveau ?
DUO.
COLETTE.
Tant qu’à mon Colin j’ai su plaire,
Je vivais dans les plaisirs.
COLIN.
Quand je plaisais à ma bergère,
Mon sort comblait mes désirs.
COLETTE.
Depuis que son cœur me méprise,
Un autre a gagné le mien.
COLIN.
Après le doux nœud qu’elle brise,
Serait-il un autre bien ?
(D’un ton pénétré.)
Ma Colette se dégage !
COLETTE.
Je crains un amant volage.
(Ensemble.)
Je me dégage à mon tour.
Mon cœur devenu paisible,
Oublira, s’il est possible,
Que tu lui fus cher/chère un jour.
COLIN.
Quelque bonheur qu’on me promette
Dans les nœuds qui me sont offerts,
J’eusse encor préféré Colette
À tous les biens de l’univers.
COLETTE.
Quoiqu’un seigneur jeune, aimable,
Me parle aujourd’hui d’amour,
Colin m’eût semblé préférable
À tout l’éclat de la cour.
COLIN, tendrement.
Ah, Colette !
COLLETE, avec un soupir.
Ah ! berger volage,
Faut-il t’aimer malgré moi !
(Colin se jette aux pieds de Colette ; elle lui fait remarquer à son chapeau un ruban fort riche qu’il a reçu de la dame. Colin le jette avec dédain. Colette lui en donne un plus simple dont elle était parée, et qu’il reçoit avec transport.)
(Ensemble.)
À jamais Colin je t’engage
À jamais Colin t’engage
Mon cœur et ma foi.
Son cœur et sa foi.
Qu’un doux mariage
M’unisse avec toi.
Aimons toujours sans partage ;
Que l’amour soit notre loi,
À jamais, etc.