SCÈNE VI.

COLIN.

Je ne sais où j’en suis,

COLETTE.

Trop près, sans y songer, je me suis approchée.

COLIN.

Je ne puis m’en dédire, il la faut aborder.

(À Colette, d’un ton radouci, et d’un air moitié riant moitié embarrassé.)

Ma Colette… êtes-vous fâchée ?

Je suis Colin : daignez me regarder.

COLETTE, osant à peine lever les yeux sut lui.

Colin m’aimait ; Colin m’était fidèle :

Je vous regarde, et ne vois plus Colin.

COLIN.

Mon cœur n’a point changé ; mon erreur trop cruelle

Venait d’un sort jeté par quelque esprit malin :

Le Devin l’a détruit ; je suis, malgré l’envie,

Toujours Colin, toujours plus amoureux.

COLETTE.

Par un sort, à mon tour, je me sens poursuivie.

Le Devin n’y peut rien.

COLIN.

Que je suis malheureux !

COLETTE.

D’un amant plus constant…

COLIN.

Ah ! de ma mort suivie,

Votre infidélité…

COLETTE,

Vos soins sont superflus ;

Non, Colin, je ne t’aime plus.

COLIN.

Ta foi ne m’est point ravie ;

Non, consulte mieux ton cœur :

Toi-même en m’ôtant la vie,

Tu perdrais tout ton bonheur.

COLETTE.

(À part.) (À Colin.)

Hélas ! Non, vous m’avez trahie,

Vos soins sont superflus ;

Non, Colin, je ne t’aime plus.

COLIN.

C’en est donc, fait vous voulez que je meure ;

Et je vais pour jamais m’éloigner du hameau,

COLETTE, rappelant Colin qui s’éloigne lentement.

Colin !

COLIN.

Quoi ?

COLETTE.

Tu me fuis ?

COLIN.

Faut-il que je demeure

Pour vous voir un amant nouveau ?

DUO.

COLETTE.

Tant qu’à mon Colin j’ai su plaire,

Je vivais dans les plaisirs.

COLIN.

Quand je plaisais à ma bergère,

Mon sort comblait mes désirs.

COLETTE.

Depuis que son cœur me méprise,

Un autre a gagné le mien.

COLIN.

Après le doux nœud qu’elle brise,

Serait-il un autre bien ?

(D’un ton pénétré.)

Ma Colette se dégage !

COLETTE.

Je crains un amant volage.

(Ensemble.)

Je me dégage à mon tour.

Mon cœur devenu paisible,

Oublira, s’il est possible,

Que tu lui fus cher/chère un jour.

COLIN.

Quelque bonheur qu’on me promette

Dans les nœuds qui me sont offerts,

J’eusse encor préféré Colette

À tous les biens de l’univers.

COLETTE.

Quoiqu’un seigneur jeune, aimable,

Me parle aujourd’hui d’amour,

Colin m’eût semblé préférable

À tout l’éclat de la cour.

COLIN, tendrement.

Ah, Colette !

COLLETE, avec un soupir.

Ah ! berger volage,

Faut-il t’aimer malgré moi !

(Colin se jette aux pieds de Colette ; elle lui fait remarquer à son chapeau un ruban fort riche qu’il a reçu de la dame. Colin le jette avec dédain. Colette lui en donne un plus simple dont elle était parée, et qu’il reçoit avec transport.)

(Ensemble.)

À jamais Colin je t’engage

À jamais Colin t’engage

Mon cœur et ma foi.

Son cœur et sa foi.

Qu’un doux mariage

M’unisse avec toi.

Aimons toujours sans partage ;

Que l’amour soit notre loi,

À jamais, etc.

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