SCÈNE IV.

LE DEVIN, COLIN.

COLIN.

L’amour et vos leçons m’ont enfin rendu sage,

Je préfère Colette à des biens superflus :

Je sus lui plaire en habit de village,

Sous un habit doré qu’obtiendrais-je de plus ?

LE DEVIN.

Colin, il n’est plus temps, et Colette t’oublie.

COLIN.

Elle m’oublie, ô ciel ! Colette a pu changer !

LE DEVIN.

Elle est femme, jeune et jolie ;

Manquerait-elle à se venger ?

COLIN.

Non, Colette n’est point trompeuse,

Elle m’a promis sa foi :

Peut-elle être l’amoureuse

D’un autre berger que moi ?

LE DEVIN.

Ce n’est point un berger qu’elle préfère à toi ;

C’est un beau monsieur de la ville,

COLIN.

Qui vous l’a dit ?

LE DEVIN, avec emphase.

Mon art.

COLIN.

Je n’en saurais douter.

Hélas ! qu’il m’en va coûter

Pour avoir été trop facile !

Aurais-je donc perdu Colette sans retour ?

LE DEVIN.

On sert mal à la fois la fortune et l’amour.

D’être si beau garçon quelquefois il en coûte.

COLIN.

De grâce, apprenez-moi le moyen d’éviter

Le coup affreux que je redoute.

LE DEVIN.

Laisse-moi seul un moment consulter.

(Le Devin tire de sa poche un livre de grimoire et un petit bâton de Jacob, avec lesquels il fait un charme. De jeunes paysannes, qui venaient le consulter, laissent tomber leurs présents, et se sauvent tout effrayées en voyant ses contorsions.)

Le charme est fait. Colette en ce lieu va se rendre ;

Il faut ici l’attendre.

COLIN.

À l’apaiser pourrai-je parvenir ?

Hélas ! voudra-t-elle m’entendre ?

LE DEVIN.

Avec un cœur fidèle et tendre

On a droit de tout obtenir.

(À part.)

Sur ce qu’elle doit dire allons la prévenir.

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