SCÈNE III

LES PRÉCÉDENTS, DANIEL, encore plus effrayé, puis SCHWEIZER, GRIMM.

DANIEL.

Monseigneur, une troupe de cavaliers de feu vient au galop le long de l’avenue. Ils crient : « Au meurtre ! au meurtre ! » Tout le village est en alarme.

FRANÇOIS.

Va ! Fais sonner toutes les cloches. Que tout le monde coure à l’église se prosterner… et prie pour moi… Qu’on mette les prisonniers en liberté… Je veux rendre aux pauvres le double, le triple… Je veux… Va donc !… Appelle donc le confesseur, que sa bénédiction chasse au loin mes péchés… Tu n’es pas encore parti ? (Le tumulte augmente.)

DANIEL.

Que Dieu me pardonne !… Je ne sais, voulez-vous sérieusement ce que vous demandez ? Vous qui avez si obstinément refusé de plier, et qui tant de fois…

FRANÇOIS.

Tais-toi… Mourir, vois-tu ? mourir ! Il sera trop tard. (On entend les cris de Schweizer.) Prie donc, prie donc !

DANIEL.

Je vous l’ai toujours dit !… Vous méprisez tant la prière… Mais prenez garde, prenez garde. Quand vous serez dans la peine, quand l’eau vous ira jusqu’à l’âme…

SCHWEIZER, dans la rue devant le château.

À l’assaut ! Tuez-les ! forcez les portes ! Je vois de la lumière, c’est là qu’il doit être.

FRANÇOIS.

Écoute ma prière, Dieu du ciel… C’est pour la première fois… Exauce-moi, Dieu du ciel.

SCHWEIZER, toujours dans la rue.

Fais-les reculer à coups d’épée, camarade… C’est le diable qui vient chercher votre seigneur… Où est Schwarz avec sa troupe ? Poste-toi près du château, Grimm !… Franchis les murs !

GRIMM.

Allez chercher des torches… Nous monterons ou il descendra… Je vais mettre le feu à son château.

FRANÇOIS, priant.

Mon Dieu ! je n’ai pas été un assassin ordinaire… Je ne me suis jamais arrêté à des misères, mon Dieu…

DANIEL.

Que Dieu ait pitié de nous ! Jusqu’à ses prières, qui sont des péchés ! (On brise les vitres à coups de pierres : des torches tombent de tous côtés dans la chambre. Le château brûle.)

FRANÇOIS,

Je ne puis pas fuir. (Se frappant le front et la poitrine.) Ici et là tout est vide et desséché… (Il se lève.) Non, je ne veux pas fuir.

DANIEL.

Jésus, Maria ! aidez-nous… sauvez-nous ! Tout le château est en feu.

FRANÇOIS.

Prends cette épée et pousse-la moi par derrière jusque dans le ventre… Je ne veux pas servir de jouet à ces scélérats. (Le feu éclate.)

DANIEL.

Que Dieu m’en garde ! Je ne voudrais envoyer personne trop tôt dans le ciel, bien moins encore dans… (Il se sauve.)

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