III. La visite au moulin.

« Je propose une grande promenade au moulin, par les bois, dit M. de Rugès. Nous irons voir la nouvelle mécanique établie par ma sœur de Fleurville, et, pendant que nous examinerons les machines, vous autres enfants vous jouerez sur l’herbe où l’on vous préparera un bon goûter de campagne : pain bis, crème fraîche, lait caillé, fromage, beurre et galette de ménage. Que ceux qui m’aiment me suivent ! »

Tous l’entourèrent au même instant. Les enfants, qui étaient partis au galop, revinrent sur leurs pas et se groupèrent autour de leurs parents.

La promenade fut charmante, la fraîcheur du bois tempérait la chaleur du soleil ; de temps en temps on s’asseyait, on causait, on cueillait des fleurs, on trouvait quelques fraises. Tout en causant, on approcha du moulin ; les enfants virent avec surprise une foule de monde assemblée tout autour ; une grande agitation régnait dans cette foule ; on allait et venait, on se formait en groupes, on courait d’un côté, on revenait avec précipitation de l’autre. Il était clair que quelque chose d’extraordinaire se passait au moulin.

« Serait-il arrivé un malheur et d’où peut venir cette agitation ? dit Mme de Rosbourg.

– Approchons, nous saurons bientôt ce qui en est », répondit Mme de Fleurville.

Les enfants regardaient d’un œil curieux et inquiet. En approchant on entendit des cris, mais ce n’étaient pas des cris de douleur, c’étaient des explosions de colère, des imprécations, des reproches. Bientôt on put distinguer des uniformes de gendarmes ; une femme, un homme et une petite fille se débattaient contre deux de ces braves militaires qui cherchaient à les maintenir. La petite fille et sa mère poussaient des cris aigus et lamentables ; le père jurait, injuriait tout le monde. Les gendarmes, tout en y mettant la plus grande patience, ne les laissaient pas échapper. Bientôt les enfants purent reconnaître le père Léonard, sa femme et Jeannette. Malgré les cris perçants de Jeannette et de sa mère et les imprécations du père, les gendarmes leur lièrent les mains, les pieds et les assirent ainsi garrottés sur un banc, pendant que l’un d’eux allait chercher une charrette pour les transporter à la prison de la ville.

Mme de Fleurville et ses compagnes étaient restées un peu à l’écart avec les enfants. MM. de Rugès et de Traypi s’étaient approchés des gendarmes pour savoir la cause de cette arrestation. Léon et Jean les avaient suivis.

« Pourquoi arrêtez-vous la famille Léonard, gendarmes ? demanda M. de Rugès. Qu’ont-ils fait ?

– C’est pour vol, monsieur, répondit poliment le gendarme en touchant son képi ; il y a longtemps qu’on porte plainte contre eux, mais ils sont habiles ; nous ne pouvions pas les prendre. Enfin, l’autre jour, au marché, la petite s’est trahie et nous a mis sur la voie. »

M. DE RUGÈS. – Comment cela ?

LE GENDARME. – Il paraîtrait qu’ils ont volé une pièce de toile qui était à blanchir sur l’herbe. Ils l’ont cachée dans leur huche à pain, sous de la farine ; mais, dans la nuit, la petite s’est dit : « Puisque mon père et ma mère ont volé la toile de la femme Martin, je puis bien aussi leur en voler un morceau ; ça fait que j’aurai de quoi acheter des gâteaux et des sucres d’orge. » La voilà qui se lève et qui en coupe un bon bout. C’était la veille du marché. Le lendemain, la petite se dit : « Ce n’est pas tout d’avoir la toile, il faut encore que je la vende. » Et la voilà qui, sans rien dire à père et mère, part pour le marché et offre sa toile à la fille Chartier. « Combien en as-tu ? lui dit la fille Chartier. – J’en ai bien six mètres, de quoi faire deux chemises, répond la petite Léonard. – Combien que tu veux la vendre ? – Ah ! pas cher, je vous la donnerai bien pour une pièce de cinq francs. – Tope là, et je te la prends ; tiens, voilà la pièce et donne-moi la toile. » Les voici bien contentes toutes les deux, la petite Léonard d’avoir cinq francs, la fille Chartier d’avoir de quoi faire deux chemises et pas cher. Mais, quand elle la rapporte chez elle, qu’elle la montre à sa mère et qu’elle la déploie pour mesurer si le compte y est, ne voilà-t-il pas que la farine s’envole de tous côtés ; la chambre en était blanche ; la mère et la fille Chartier étaient tout comme des meunières. « Qu’est-ce que c’est que ça ? disent-elles. Cette toile a donc été blanchie à la farine ? Faut la secouer. Viens, Lucette, secouons-la dans la rue ; ce sera bien vite fait. » Les voilà qui secouent devant leur porte quand passe la mère Martin. « Où allez-vous donc, que vous avez l’air si affairée ? lui demanda la mère Chartier.

– Ah ! je vais porter plainte à la gendarmerie : on m’a volé ma belle pièce de toile cette nuit. Faut que je tâche de la rattraper. – Et moi je viens d’en acheter un bout qui n’est pas cher, dit la mère Chartier. – Tiens, dit l’autre en la regardant, mais c’est tout comme la mienne. Qu’est-ce que vous lui faites donc à votre toile ? – Je la secoue ; elle était si pleine de farine que nous en étions aveuglées, Lucette et moi. – Tiens, tiens ! de la toile enfarinée ? Mais où donc l’avez-vous eue ? – C’est la petite Léonard qui me l’a vendue comme ça. – La petite Léonard ? où a-t-elle pu avoir de la toile aussi fine ?… Mais !… laissez-moi donc voir le bout ; cela ressemble terriblement à la mienne. » La mère Martin prend la toile, l’examine, arrive au bout et reconnaît une marque qu’elle avait faite à sa pièce. Les voilà toutes trois bien étonnées : la mère Martin bien contente d’être sur la piste de sa toile, la mère Chartier bien attrapée d’avoir donné sa pièce de cinq francs pour un bout de toile qui était volée ; elles arrivent toutes trois chez moi et me racontent ce qui vient d’arriver. « Toute votre toile y est-elle ? que je dis à la femme Martin. – Pour ça non ! répond-elle. Il y en avait près de cinquante mètres. – Alors il faut tâcher de ravoir les quarante-quatre mètres qui vous manquent, mère Martin. Laissez-moi faire ; je crois bien que je vous les retrouverai. Nous allons bien surveiller le marché ; si la femme ou le père Léonard y apporte votre toile, je les arrête ; s’ils n’y viennent pas ou qu’ils viennent avec rien que leurs sacs de farine, j’irai demain avec mes camarades faire une reconnaissance au moulin. Puisque c’est la petite Léonard qui vous en a vendu un bout, c’est que l’autre bout est au moulin. – Mais si elle la vend à quelque voisin ? dit la mère Martin. – N’ayez pas peur, ma bonne femme, elle n’osera pas ; tout le monde chez vous sait que votre toile est volée. – Je crois bien qu’on le sait, dit la mère Martin, je l’ai dit à tout le village et j’ai envoyé mon garçon et ma petite le dire partout dans les environs, de crainte qu’elle ne soit vendue par là ! – Vous voyez bien qu’il n’y a pas de danger », que je lui réponds. Et je me mets en quête avec les camarades. Rien au marché, rien dans la ville. Alors nous sommes venus ce matin faire notre visite au moulin, avec un ordre d’arrêter, s’il y a lieu. Nous avons cherché partout ; nous ne trouvions rien. Les Léonard nous agonisaient d’injures. Enfin, je me rappelle la farine que secouaient les femmes Chartier, et l’idée me vient d’ouvrir la huche ; elle était pleine de farine ; je fouille dedans avec le fourreau de mon sabre. Les Léonard crient que je leur gâte leur farine ; je fouille tout de même, et voilà-t-il pas que j’accroche un bout de la toile ; je tire, il en venait toujours. C’était toute la pièce de la mère Martin. Les Léonard veulent s’échapper ; mais les camarades gardaient les portes et les fenêtres. On les prend ; ils se débattent. J’arrête aussi la petite qui crie qu’elle est innocente. Je raconte l’histoire de la toile enfarinée. La petite Léonard se trouble, pleure ; la mère s’élance sur elle et la frappe à la joue ; le père en fait autant sur le dos. Si les camarades et moi nous ne l’avions retirée d’entre leurs mains, ils l’auraient mise en pièces. Tout cela a duré un bout de temps, monsieur ; le monde s’est rassemblé ; il y en a plus que je ne voudrais, car c’est toujours pénible de voir une jeune fille comme ça déshonorée, et des parents qui ont mené leur fille à mal.

– Vous êtes un brave et digne soldat, dit M. de Rugès en lui tendant la main ; le sentiment d’humanité que vous manifestez à l’égard de ces gens qui vous ont accablé d’injures est noble et généreux.

Le gendarme prit la main de M. de Rugès et la serra avec émotion.

« Notre devoir est souvent pénible à accomplir, et peu de gens le comprennent ; c’est un bonheur pour nous de rencontrer des hommes justes comme vous, monsieur. »

Léon et Jean avaient écouté avec attention le récit du gendarme. Les dames et les enfants s’étaient aussi rapprochés et avaient pu l’entendre également, de sorte que Léon et Jean n’eurent rien à leur apprendre. Les Léonard avaient recommencé leurs injures et leurs cris ; ces dames pensèrent que, n’ayant rien à faire pour les Léonard, il était plus sage de s’éloigner, de crainte que les enfants ne fussent trop impressionnés de ce qu’ils entendaient. On avait été obligé d’éloigner Jeannette de ses parents, qui, tout garrottés qu’ils étaient, voulaient encore la maltraiter. Mmes de Fleurville et de Rosbourg, et le reste de la compagnie, se dirigèrent vers une partie de la forêt assez éloignée du moulin pour qu’on ne pût rien voir ni entendre de ce qui s’y passait. Les enfants étaient restés tristes et silencieux, sous l’impression pénible de la scène du moulin. M. de Rugès demanda à faire une halte et à étaler sur l’herbe les provisions que portait l’âne qui les suivait ; ce moyen de distraction réussit très bien. Les enfants ne se firent pas prier ; ils firent honneur au repas rustique ; crème, lait caillé, beurre, galette, fraises des bois, tout fut mangé. Ils causèrent beaucoup de Jeannette et de ses parents.

LÉON. – Comment Jeannette a-t-elle pu devenir assez mauvaise pour voler et vendre cette toile avec tant d’effronterie ?

MADAME DE FLEURVILLE. – Parce que son père et sa mère lui donnaient l’exemple du vol et du mensonge. Bien des fois ils m’ont volé du bois, du foin, du blé, et ils se faisaient toujours aider par Jeannette. Tout naturellement, elle a voulu profiter de ces vols pour elle-même.

– Pour tout oublier, dit Mme de Fleurville en se levant, je propose une partie de cache-cache, de laquelle nous serons tous, petits et grands, jeunes et vieux.

– Bravo ! bravo ! ce sera bien amusant, s’écrièrent tous les enfants. Voyons, qui est-ce qui l’est ?

– Il faut l’être deux, dit Mme de Rosbourg ; ce serait trop difficile de prendre étant seul.

– Ce sera moi et ma sœur de Fleurville, dit M. de Traypi ; ensuite de Rugès avec Mme de Rosbourg ; puis ceux qui se laisseront prendre. Une, deux, trois. La partie commence : le but est à l’arbre près duquel nous nous trouvons.

Toute la bande se dispersa pour se cacher dans des buissons ou derrière des arbres. « Défendu de grimper aux arbres ! cria Mme de Traypi.

– Hou ! hou ! crièrent plusieurs voix de tous les côtés.

– C’est fait, dit M. de Traypi. Prenez de ce côté, ma sœur ; je prendrai de l’autre. »

Ils partirent tout doucement chacun de leur côté, marchant sur la pointe des pieds, regardant derrière les arbres, examinant les buissons.

« Attention, mon frère ! cria Mme de Fleurville, j’entends craquer les branches de votre côté.

– Ah ! j’en tiens un », s’écria M. de Traypi en s’élançant dans un buisson.

Mais il avait parlé trop vite ; Camille et Jean étaient partis comme des flèches et arrivèrent au but avant que M. de Traypi eût pu les rejoindre. Pendant ce temps Mme de Fleurville avait découvert Léon et Madeleine, elle se mit à leur poursuite ; M. de Traypi accourut à son aide ; pendant qu’ils les poursuivaient, Marguerite et Jacques les croisèrent en courant vers le but. Mme de Fleurville, croyant ceux-ci plus faciles à prendre, abandonna Léon et Madeleine à M. de Traypi et courut après Marguerite et Jacques ; mais, tout jeunes qu’ils étaient, ils couraient mieux qu’elle, qui en avait perdu l’habitude, et ils arrivèrent haletants et en riant au but au moment où elle allait les atteindre.

Essoufflée, fatiguée, elle se jeta sur l’herbe en riant et y resta quelques instants pour reprendre haleine. Elle alla ensuite rejoindre son frère qui faisait vainement tous ses efforts pour attraper Léon, Madeleine et les grands ; quant à Sophie, elle n’était pas encore trouvée. À force d’habileté et de persévérance, M. de Traypi finit par les prendre tous malgré leurs ruses, leurs cris, leurs efforts inouïs pour arriver au but. Sophie manquait toujours.

« Sophie, Sophie, criait-on, fais hou ! qu’on sache de quel côté tu es. » Personne ne répondait.

L’inquiétude commença à gagner Mme de Fleurville.

« Il n’est pas possible qu’elle ne réponde pas si elle est réellement cachée, dit-elle ; je crains qu’il ne lui soit arrivé quelque chose.

– Elle aura été trop loin, dit M. de Rugès.

– Pourvu qu’elle ne se perde pas, comme il y a trois ans, dit Mme de Rosbourg.

– Ah ! pauvre Sophie ! s’écrièrent Camille et Madeleine. Allons la chercher, maman.

– Oui, allons-y tous, mais chacun des petits escorté d’un grand », dit M. de Traypi.

Ils se partagèrent en bandes et se mirent tous à la recherche de Sophie, l’appelant à haute voix ; leurs cris retentissaient dans la forêt, aucune voix n’y répondait. L’inquiétude commençait à devenir générale ; les enfants cherchaient avec une ardeur qui témoignait de leur affection et de leurs craintes. Enfin, Jean et Mme de Rosbourg crurent entendre une voix étouffée appeler au secours. Ils s’arrêtèrent, écoutèrent… Ils ne s’étaient pas trompés.

« Au secours ! au secours ! Mes amis, sauvez-moi !

– Sophie, Sophie, où es-tu ? cria Jean épouvanté.

– Près de toi, dans l’arbre, répondit Sophie.

– Mais où donc ? mon Dieu ! où donc ! Je ne vois pas. » Et Jean, effrayé, désolé, cherchait, regardait de tous côtés, sur les arbres, par terre : il ne voyait pas Sophie. Tout le monde était accouru près de Jean, à l’appel de Mme de Rosbourg. Tous cherchaient sans trouver.

« Sophie, chère Sophie, cria Camille, où es-tu ? sur quel arbre ? Nous ne te voyons pas. »

SOPHIE, d’une voix étouffée. – Je suis tombée dans l’arbre qui était creux ; j’étouffe ; je vais mourir si vous ne me tirez pas de là.

– Comment faire ? s’écriait-on. Si on allait chercher des cordes ?

Jean réfléchit une minute, se débarrassa de sa veste et s’élança sur l’arbre, dont les branches très basses permettaient de grimper dessus.

« Que fais-tu ? cria Léon ; tu vas être englouti avec elle.

– Imprudent ! s’écria M. de Rugès. Descends, tu vas te tuer. »

Mais Jean grimpait avec une agilité qui lui fit promptement atteindre le haut du tronc pourri. Jacques s’était élancé après Jean et arriva près de lui avant que son père et sa mère eussent eu le temps de l’en empêcher. Il tenait la veste de Jean et défit promptement la sienne. Jean, qui avait jeté les yeux dans le creux de l’arbre, avait vu Sophie tombée au fond et s’était écrié :

« Une corde ! une corde ! vite une corde ! » Léon, Camille et Madeleine s’élancèrent dans la direction du moulin pour en avoir une. Mais Jacques passa les deux vestes à Jean qui noua vivement la manche de la sienne à la manche de celle de Jacques, et jetant sa veste dans le trou pendant qu’il tenait celle de Jacques : « Prends ma veste, Sophie ; tiens-la ferme à deux mains. Aide-toi des pieds pour remonter pendant que je vais tirer. » Jean, aidé du pauvre petit Jacques, tira de toutes ses forces. M. de Rugès les avait rejoints et les aida à retirer la malheureuse Sophie, dont la tête pâle et défaite apparut enfin au-dessus du trou. Au même instant, les vestes commencèrent à se déchirer. Sophie poussa un cri perçant. Jean la saisit par une main, M. de Rugès par l’autre, et ils la retirèrent tout à fait de cet arbre qui avait failli être son tombeau ; Jacques dégringola lestement jusqu’en bas ; M. de Rugès descendit avec plus de lenteur, tenant dans ses bras Sophie à demi évanouie, et suivi de Jean. Mme de Fleurville et toutes ces dames s’empressèrent autour d’elle ; Marguerite se jeta en sanglotant dans ses bras. Sophie l’embrassa tendrement. Dès qu’elle put parler, elle remercia Jean et Jacques bien affectueusement de l’avoir sauvée. Lorsque Camille, Madeleine et Léon revinrent, traînant après eux vingt mètres de corde, Sophie était remise ; elle put se lever et marcher à la rencontre de ses amis ; elle sourit à la vue de cette corde immense.

MADAME DE FLEURVILLE. – Voilà Sophie bien remise de sa frayeur et nous voilà tous rassurés sur son compte ; je demande maintenant qu’elle nous explique comment cet accident est arrivé.

M. DE RUGÈS. – C’est vrai, on était convenu de ne pas grimper aux arbres.

SOPHIE, embarrassée. – Je voulais… me cacher mieux que les autres. Je m’étais mise derrière ce gros chêne, pensant que je tournerais autour et qu’on ne me trouverait pas.

MADAME DE TRAYPI. – Ah ! par exemple ! j’ai pris Madeleine, et puis Léon, qui avaient voulu aussi tourner autour d’un gros arbre.

SOPHIE. – C’est précisément parce que je vous voyais de loin prendre Madeleine et Léon, que j’ai pensé à trouver une meilleure cachette. Les branches de l’arbre étaient très basses ; j’ai grimpé de branche en branche.

MARGUERITE. – C’est-à-dire que tu as triché.

SOPHIE. – Donc, de branche en branche j’étais arrivée à un endroit où le tronc de l’arbre se séparait en plusieurs grosses branches ; il y avait au milieu un creux couvert de feuilles sèches ; j’ai pensé que j’y serais très bien. Je suis montée dans le creux ; au moment où j’y ai posé mes pieds, j’ai senti l’écorce et les feuilles sèches s’enfoncer sous moi, et, avant que j’aie pu m’accrocher aux branches, je me suis sentie descendre jusqu’au fond de l’arbre. J’ai crié, mais ma voix était étouffée par la frayeur, puis par la profondeur du trou où j’étais tombée.

» J’étais à moitié morte de peur. Je croyais qu’on ne me trouverait jamais, car je sentais combien ma voix était sourde et affaiblie. Je pris courage pourtant quand j’entendis appeler de tous côtés ; je redoublai d’efforts pour crier, mais j’entendais passer près de l’arbre où j’étais tombée, et je sentais bien qu’on ne m’entendait pas. Enfin, notre cher et courageux Jean m’a entendue et m’a sauvée avec l’aide de mon petit Jacques…

JEAN. – Et c’est lui qui a eu l’idée de nouer les deux vestes ensemble.

Tout le monde se leva et l’on se dirigea vers la maison, tout en causant vivement des événements de la matinée.

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