45. À Guitaut

À Paris, mardi 12ème septembre 1679.

Mon pauvre Monsieur, je suis dans une douleur qui me fait un mal étrange ; ma fille s’en va demain sans remise. Ils prennent l’eau jusqu’à Auxerre, où ils arriveront samedi, et font leur compte qu’ils seront lundi à dîner à Rouvray, et que c’est là où vous devez les venir voir, et leur pardonner de ne point aller à Époisses dans l’embarras où ils sont. Il viendra quelque autre année où ils seront plus légers.

La santé de ma fille me fait toujours trembler, et cette inquiétude, jointe à l’absence d’une créature que j’aime si parfaitement, me met dans l’état que vous pouvez vous imaginer. Vous avez offert tant de choses pour leur commodité que je suis persuadée que vous voudrez bien mener votre litière à Rouvray, et l’obliger à la prendre pour la mener jusqu’à Chalon. Ce sera une commodité pour elle, qui lui conservera la vie, et je réponds pour vous que vous en serez fort aise. Trouvez-vous donc à Rouvray lundi matin 18ème de ce mois ; ayez cette litière si secourable, et donnez-leur la joie et la consolation de vous voir. Le temps sera un peu court pour causer, mais vous irez achever cette visite à Grignan. Moins on est accoutumé dans la province, et moins on s’y plaît. La pensée d’aller passer l’hiver à Aix donne plus de peine que le séjour de Grignan. D’un autre côté, l’air de Grignan est terrible pour elle. Tout cela fait trembler. Et tout autant que l’on peut faire des projets, M. de Grignan ne doit pas la mettre souvent en chemin quand une fois ils seront revenus dans cette bonne ville. Mais il est question d’aller. Voyez comme mon imagination me flatte par la pensée d’un retour sans lequel je ne puis être heureuse. Adieu, Monsieur. Mandez-moi bien comme vous l’aurez trouvée. Ne m’épargnez point les détails ; je vous en écrivis tant l’autre jour !

Mlle de Méri a la fièvre depuis hier, avec une manière de dysenterie. Je ne crois pas que, tout étant arrêté, on arrête pour cela ; cependant … Enfin, je vous conseille toujours d’aller à Rouvray avec cette litière, mais je vous dis les choses comme elles sont.

À Monsieur, Monsieur le comte de Guitaut, chevalier des ordres du Roi, à Époisses, à Semur-en-Auxois.

Share on Twitter Share on Facebook