53. À Pomponne

À Paris, ce lundi 18ème décembre 1679.

Voilà, Monsieur, une lettre de ma fille. Elle ne peut apaiser son cœur ; elle pense à vous et m’en parle sans cesse. Elle a une si juste idée de ce que vous valez qu’elle me paraît plus empressée de l’honneur de votre amitié qu’elle ne l’a jamais été. Elle croit que l’attention que vous pouvez avoir présentement pour vos amis la doit rendre plus précieuse. Enfin elle démêle parfaitement M. de Pomponne d’avec le ministre.

De Madame de Grignan

Je n’ai pas dessein, Monsieur, de vous faire un compliment ; je ne l’aurais pas tant retardé, étant plus sensible à ce qui vous arrive que ceux qui se sont pressés. Mais, Monsieur, trouvez bon que je vous demande la continuation de l’honneur de votre amitié, que vous m’avez jusqu’à présent si utilement accordée sous le nom de protection. Comme il n’était pas nécessaire d’avoir un grand mérite pour obliger une âme comme la vôtre à faire les grâces dont la fortune vous rendait dispensateur, et qu’il faut une égalité de mérite que je n’ai pas pour être digne du commerce de votre amitié, je m’adresse encore à votre bonté pour l’obtenir.

Je vous supplie de croire, Monsieur, que de tous les biens que j’en ai reçus, celui que je demande me paraît le plus honorable et le plus précieux. Avec les sentiments que je me trouve pour vous, Monsieur, il m’est difficile de vous plaindre. Il me semble que vous auriez beaucoup perdu si vous aviez cessé d’être M. de Pomponne, quand vous avez eu d’autres dignités, mais de quelle perte ne doit-on pas se consoler quand on est assuré d’être toujours l’homme du monde dont les vertus et le singulier mérite se font le plus aimer et respecter ?

LA COMTESSE DE GRIGNAN.

M. le coadjuteur d’Arles est ici, malade depuis douze jours de la fièvre continue ; c’est ce qui l’a empêché de se donner l’honneur de vous écrire.

À Aix, ce 9ème décembre.

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