77. À Madame de Grignan

À Milly, samedi au soir 18 octobre 1687.

Je reçois votre lettre, ma chère bonne. Je trouve partout des marques de votre souvenir et de votre amitié. Je vous ai écrit de la Maison-Rouge, à six lieues d’ici ; vous aurez vu que je ne vous oubliais pas aussi. Vous verrez combien nous vous conseillons sincèrement de ne vous point presser et d’achever toutes vos affaires. Je me doutais bien que vous n’auriez pas vu Monsieur le Contrôleur général.

Vous auriez eu peine à faire résoudre Mme de Chaulnes à passer par Fontainebleau. Outre que c’est le plus long de deux lieues, c’est qu’elle y a tant de famille, qu’elle n’aurait pu s’y cacher. Pour moi, j’y aurais vu tout ce que je souhaite. Le cardinal de Bonzi n’y aurait pas été sans qu’il voulait encore prendre congé. Il est vrai que je me suis toujours trompée, mais en disant dimanche 20 ème, cela était visible, et je ne vois pas que, quand j’aurais su calculer plus juste, vous eussiez pu faire autrement que ce que vous faites. Ainsi je ne vois pas bien pourquoi vous me voulez.

Je me porte si bien, et les esprits sont si bien réconciliés avec la nature, que je ne vois pas pourquoi vous ne m’aimeriez point. Notre voyage n’a été qu’une vraie promenade. Nous n’avons eu aucune sorte d’incommodité. Mais vous ne me parlez point de Livry. Cruelle ! me refuseriez-vous ce repos si nécessaire ? Je vous attendrai lundi, puisque vous le voulez. Je vous ferais de plus grands sacrifices. Sans cela, j’aurais vu mes deux amies, et serais toute prête à partir, mais je n’y penserai pas, et vous attendrai avec impatience de vous embrasser. Si vous étiez aussi diligente que nous, je n’attendrais pas longtemps. J’espère que vous me renverrez demain La Brie à Essonnes.

Adieu, ma très chère bonne. Je suis ravie que vous finissiez toutes vos affaires. Si vous vouliez même y ajouter des plaisirs et faire votre cour pendant que vous y êtes, nous l’approuverions. Mme la duchesses vous embrasse et triomphe du bon état où elle vous rendra votre maman. Embrassez Mme de Vins pour moi, et qu’elle ne vous enchante point, quoique ce fût une chose bien raisonnable : qu’elle vous fasse partir.

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