21. À Arnaud d’Andilly

À Aix, dimanche 11ème décembre 1672.

Au lieu d’aller à Pomponne vous faire une visite, vous voulez bien que je vous écrive. Je sens la différence de l’un à l’autre, mais il faut que je me console au moins de ce qui est en mon pouvoir. Vous seriez bien étonné si j’allais devenir bonne à Aix. Je m’y sens quelquefois portée par un esprit de contradiction ; et voyant combien Dieu y est peu aimé, je me trouve chargée d’en faire mon devoir. Sérieusement les provinces sont peu instruites des devoirs du christianisme. Je suis plus coupable que les autres, car j’en sais beaucoup. Je suis assurée que vous ne m’oubliez jamais dans vos prières, et je crois en sentir des effets toutes les fois que je sens une bonne pensée.

J’espère que j’aurai l’honneur de vous revoir ce printemps, et qu’étant mieux instruite, je serai plus en état de vous persuader tout ce que vous m’assuriez que je ne vous persuadais point. Tout ce que vous saurez entre ci et là, c’est que si le prélat, qui a le don de gouverner les provinces, avait la conscience aussi délicate que M. de Grignan, il serait un très bon évêque ; ma basta.

Faites-moi la grâce de me mander de vos nouvelles ; parlez-moi de votre santé, parlez-moi de l’amitié que vous avez pour moi. Donnez-moi la joie de voir que vous êtes persuadé que vous êtes au premier rang de tout ce qui m’est le plus cher au monde ; voilà ce qui m’est nécessaire pour me consoler de votre absence, dont je sens l’amertume au travers de tout l’amour maternel.

M. DE RABUTIN CHANTAL.

Pour Monsieur d’Andilly, à Pomponne.

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