24 septembre

Hier soir, il me fut impossible d’écrire une ligne, bouleversée que j’étais par ce récit incroyable. Pauvre chéri ! Que tout cela soit vrai ou seulement imaginaire, en tout cas, il a dû beaucoup souffrir ! Je me le demande : y a-t-il là-dedans une part de vérité ? A-t-il décrit toutes ces horreurs après avoir eu sa fièvre cérébrale, ou bien est-ce que celle-ci a été causée par ces horreurs mêmes ? Je crois que je ne le saurai jamais, puisque je n’oserai jamais sans doute lui en parler. Et pourtant, cet homme que nous avons vu hier… Jonathan semblait être certain de le reconnaître… Le pauvre garçon ! Sans doute était-ce l’enterrement de notre grand ami qui l’avait ému et troublé au point de lui remettre à l’esprit ces pensées aussi bizarres que lugubres… Lui-même y croit réellement. Je me souviens de ce qu’il m’a dit le jour de notre mariage : »… à moins que quelque grave devoir ne m’oblige à y revenir, endormi ou éveillé, fou ou sain d’esprit. » Ce comte redoutable formait donc le projet de venir à Londres… S’il est, en effet, venu à Londres avec ses nombreux millions, eh bien ! oui, un très grave devoir va nous incomber et, pour rien au monde, nous ne devrons reculer devant cette tâche à accomplir. Je vais dès maintenant m’y préparer ; je vais transcrire ce journal de mon mari à la machine à écrire, de sorte que, s’il le faut, nous le ferons lire à d’autres personnes – s’il le faut absolument. Mais, dans ce cas, de nouvelles souffrances seront épargnées à Jonathan, car c’est moi qui expliquerai toute l’affaire afin qu’il n’ait pas, lui, à s’en préoccuper. D’ailleurs, s’il se remet complètement, peut-être désirera-t-il lui-même m’en parler ; je pourrais alors lui poser de nombreuses questions, découvrir tout ce qui s’est passé et, une fois au courant de la vérité, le réconforter de mon mieux.

Share on Twitter Share on Facebook