Deux heures après le dîner qui avait eu lieu à six heures, nous nous retrouvâmes dans le bureau du Dr Seward, sans que nous nous fussions concertés ; notre réunion ressemblait fort à celle d’un conseil ou d’un comité. Le professeur Van Helsing prit place au haut bout de la table, ainsi que l’en pria le Dr Seward dès qu’il le vit entrer dans la pièce. Il me fit asseoir à sa droite et me demanda de servir de secrétaire à notre groupe. Jonathan s’assit près de moi. En face de nous s’installèrent Lord Godalming, le Dr Seward et Mr Morris – Lord Godalming étant à côté du professeur et le Dr Seward à côté de Lord Godalming. Le professeur Van Helsing prit la parole.
– Si je ne me trompe, dit-il, nous sommes tous au courant des faits relatés dans ces lettres et journaux personnels.
Nous l’en assurâmes et il reprit :
– Cela étant, je crois utile de vous dire à quel genre d’ennemi nous avons affaire. Je vais vous expliquer certains points de l’histoire de cet homme, dont je suis maintenant absolument sûr. Ensuite, nous examinerons ensemble quelle peut être la meilleure façon d’agir, et nous prendrons nos mesures en conséquence. Sans aucun doute, les vampires existent : certains d’entre nous en ont la preuve ! Et même si nous n’avions pas fait nous-mêmes cette malheureuse expérience, l’histoire du passé fournit des preuves suffisantes de leur existence. Je reconnais qu’au début j’étais sceptique. Si, depuis de très nombreuses années, je ne m’étais pas efforcé de garder pour toute chose une grande ouverture d’esprit, je n’aurais rien cru de toute cette histoire jusqu’au moment où le tonnerre lui-même m’aurait crié à l’oreille : « Vois ! Je t’oblige à voir ! Je te mets une preuve irréfutable sous les yeux ! » Hélas ! Si j’avais su dès le début ce que je sais maintenant – ou plutôt si j’avais ne fût-ce que deviné à qui nous avions affaire –, cette vie si précieuse de notre chère Lucy aurait été sauvée ! Mais nous l’avons perdue, et, maintenant, tous nos efforts doivent tendre à sauver d’autres pauvres âmes. Il faut savoir que ce nosferatu ne meurt pas, comme l’abeille, une fois qu’il a fait une victime. Au contraire, il n’en devient que plus fort ; et, plus fort, il n’en est que plus dangereux. Le vampire qui se trouve parmi nous, possède, à lui seul, la force de vingt hommes ; il est plus rusé qu’aucun mortel, puisque son astuce s’est affinée au cours des siècles. Il se sert de la nécromancie, art qui, comme l’indique l’étymologie du mot, consiste à évoquer les morts pour deviner l’avenir, et tous les morts dont il peut approcher sont à ses ordres. C’est une brute, et pis qu’une brute ; c’est un démon sans pitié, et il n’a pas de cœur ; il peut, avec pourtant certaines réserves, apparaître où et quand il veut et sous l’une ou l’autre forme de son choix ; il a même le pouvoir, dans une certaine mesure, de se rendre maître des éléments : la tempête, le brouillard, le tonnerre, et de se faire obéir de créatures inférieures, telles que le rat, le hibou, la chauve-souris, la phalène, le renard et le loup ; il peut se faire grand ou se rapetisser et, à certains moments, il disparaît exactement comme s’il n’existait plus. Dans ces conditions, comment devons-nous nous y prendre pour le détruire ? Comment le trouverons-nous et, l’ayant trouvé, comment le ferons-nous périr ? Mes amis, l’entreprise est aussi ardue que terrible, et, à songer aux conséquences qu’elle peut avoir, l’homme le plus courageux frémirait. Car si nous échouons dans la lutte, alors, son triomphe, à lui, est certain. Et qu’adviendrait-il, dans ce cas ? Pour moi, ce n’est pas de perdre la vie qui me fait peur. Mais notre échec signifierait tout autre chose qu’une question de vie ou de mort : nous deviendrions semblables à lui, des créatures de la nuit comme lui, sans cœur ni conscience, faisant notre proie des corps et des âmes de ceux que nous aimons le plus au monde. Les portes du Ciel seraient à jamais fermées pour nous, car qui nous les ouvrirait ? Tous nous abomineraient à jamais ; nous serions une tache sur le soleil de Dieu, une flèche dans le flanc de Celui qui est mort pour sauver l’humanité. Pourtant, notre devoir est là, tout tracé : pouvons-nous reculer ? En ce qui me concerne, je dis non ; mais je suis vieux, et la vie, avec son soleil resplendissant, ses jardins enchantés, sa musique et l’amour, est bien loin derrière moi. Vous, mes amis, vous êtes jeunes. Certains d’entre vous ont déjà connu le chagrin, mais même ceux-là peuvent encore, assurément, attendre de beaux jours. Que décidez-vous ?
Tout en l’écoutant parler, Jonathan avait pris ma main. Au moment où j’avais vu mon mari tendre la main vers moi, j’avais tremblé de crainte que l’effroyable danger dont nous entretenait le professeur ne le décourageât complètement. Mais il me sembla revivre quand je sentis sur la mienne cette main si forte, si sûre d’elle-même, si décidée. Assurément, la main d’un homme courageux a son langage propre : il n’y a pas qu’une femme amoureuse pour entendre ce qu’elle dit. Lorsque le professeur se tut, nous nous regardâmes dans les yeux, mon mari et moi ; toute parole entre nous était inutile.
– Je réponds pour Mina et pour moi-même, dit Jonathan.
– Comptez sur moi, professeur, fit Mr Morris.
– Je suis avec vous, répondit de son côté Lord Godalming, et je serais avec vous en souvenir de Lucy, même si je n’avais pas un autre motif pour vous aider. Quant au Dr Seward, il se contenta de faire un signe de tête affirmatif.
Nous nous serrâmes tous la main ; notre pacte solennel était conclu. J’avoue que mon cœur se glaçait ; pas un instant toutefois l’idée ne me vint que je pourrais renoncer à l’entreprise. Nous reprîmes chacun notre place, et le Dr Van Helsing poursuivit son explication avec un certain entrain qui montrait bien que le travail sérieux venait enfin de commencer.
– Bon. Vous savez à présent contre quoi nous luttons. Mais, de notre côté, nous ne sommes point dépourvus de force. Nous avons l’avantage du nombre, puisque le vampire est toujours seul et que nous sommes plusieurs. Nous avons les renseignements que nous donnent les livres. Nous sommes libres d’agir et de penser, et, pour ce qui est de l’action, toutes les heures du jour et de la nuit nous appartiennent. En réalité, donc, ces forces dont nous bénéficions, nous sommes parfaitement libres de les employer comme nous l’entendons. Nous sommes tout dévoués à une cause, et le but que nous nous proposons d’atteindre n’est pas d’en retirer un profit personnel, mais un profit qui s’étendra à toute l’humanité.
« Maintenant, considérons les limitations du vampire en général et de celui-ci en particulier. Il faut, pour cela, nous référer aux traditions et aux superstitions. Celles-ci, à vrai dire, ne nous apprennent pas grand-chose quand il s’agit de vie et de mort… or les questions en jeu sont bien plus essentielles que la vie ou la mort. Et pourtant, il faudra nous en contenter ; d’abord, parce que nous y sommes bien obligés, ensuite parce que, après tout, la tradition et la superstition ne laissent pas d’être importantes. N’est-ce pas à cause d’elles – bien que, hélas ! il n’en ait pas été de même pour nous – que la plupart des hommes croient aux vampires ? Il y a un an d’ici, lequel d’entre nous aurait admis ce que nous savons maintenant, en ce XIXe siècle sceptique, positiviste, où l’esprit scientifique est tout-puissant ? Nous avons repoussé une croyance et plus tard nous avons eu sous les yeux la preuve qu’elle n’était pas insensée. Soyez certains que le vampire – et c’est cela qui explique cette croyance que certains hommes ont toujours eue et de ses pouvoirs et de ses limitations – a donné à d’autres qu’à nous des preuves de sa réalité. Car, sans doute possible, on l’a connu partout où il y a eu des hommes. Il s’est manifesté partout : dans l’ancienne Grèce, dans l’ancienne Rome ; en Allemagne, en France, en Inde, même dans les presqu’îles de Chersonèse ; en Chine, pays éloigné de nous à tant de points de vue, il existe encore aujourd’hui et les gens le craignent. Il a suivi les hordes venues d’Islande, les Huns, les Slaves, les Saxons, les Magyars. Nous savons donc ce que nous devons savoir, nous possédons tous les éléments nécessaires pour agir et, laissez-moi vous le dire, un grand nombre de croyances à son sujet se sont vérifiées au cours de notre si malheureuse expérience. Le vampire vit sans que le temps qui passe l’amène peu à peu à la mort ; il prospère aussi longtemps qu’il peut se nourrir du sang des vivants ; nous avons pu constater qu’il rajeunit, qu’il devient plus fort, et qu’il semble se refaire quand il trouve en suffisance sa nourriture préférée. Mais il lui faut ce régime ; il ne se nourrit pas comme les autres hommes. Notre ami Jonathan, qui a habité chez lui pendant des semaines entières, ne l’a jamais vu prendre un repas, jamais ! Et son corps ne projette aucune ombre ; son image ne se réfléchit pas dans un miroir, cela aussi Jonathan l’a remarqué. D’autre part, il dispose d’une force extraordinaire, comme Jonathan, de nouveau, l’a constaté quand le comte a refermé la porte sur les loups et quand il a aidé notre ami à descendre de voiture. Il peut se changer en loup, ainsi qu’on l’a vu à l’arrivée du bateau à Whitby, quand il a attaqué et déchiqueté un chien ; ou en chauve-souris, et c’est ainsi que madame Mina l’a aperçu sur l’appui de fenêtre, à Whitby, et que notre ami John l’a vu s’envoler de cette maison voisine, et c’est ainsi encore que notre ami Quincey l’a vu se poser sur la fenêtre de Miss Lucy. Il peut s’approcher, entouré d’un brouillard que lui-même suscite – l’aventure effroyable de ce courageux capitaine resté à son gouvernail le prouve – mais nous savons aussi qu’est limité l’espace sur lequel s’étend ce brouillard qui ne fait, précisément, que l’entourer, le protéger. Le vampire apparaît en grains de poussière sur les rayons d’un clair de lune, et c’est comme cela que Jonathan a aperçu ces trois femmes dans le château de Dracula. Il peut se faire si petit et si mince que, souvenez-vous, Miss Lucy, avant de connaître la paix éternelle, s’est glissée par une fente de la largeur d’un cheveu qui existait dans la porte de son tombeau. Car il lui est donné, une fois qu’il a trouvé son chemin, de sortir de n’importe quoi, d’entrer dans n’importe quoi, et de voir dans l’obscurité, ce qui n’est pas un pouvoir négligeable dans un monde à demi privé de lumière. Mais, ici, suivez-moi bien ! Il est capable de tout cela, oui, et pourtant il n’est pas libre. Il est prisonnier, plus qu’un homme condamné aux galères, plus qu’un fou enfermé dans son cabanon. Aller là où il en aurait envie lui est interdit. Lui qui n’est pas un être selon la nature, il doit cependant obéir à certaines de ses lois – pourquoi, nous n’en savons rien. Toutes les portes ne lui sont pas ouvertes ; il faut au préalable qu’on l’ait prié d’entrer ; alors seulement il peut venir quand il le désire. Son pouvoir cesse, comme d’ailleurs celui de toutes les puissances malignes, dès les premières lueurs de l’aube. Il jouit d’une certaine liberté, mais en des moments précis. S’il ne se trouve pas à l’endroit où il voudrait être, il ne peut s’y rendre qu’à midi, ou au lever, ou au coucher du soleil. Tout cela, la tradition et les livres nous l’apprennent, et nous en trouvons aussi la preuve dans les documents que nous-mêmes avons rassemblés. Ainsi, tandis que le vampire peut parfois accomplir sa propre volonté, pourvu qu’il respecte les limitations qui lui sont imposées et se confine dans son domaine : son cercueil à lui, son enfer à lui, ou encore dans un endroit non bénit, comme, par exemple, cette tombe du suicidé dans le cimetière de Whitby ; et encore ne peut-il se déplacer qu’à des moments bien précis. On dit aussi qu’il ne peut franchir des eaux vives qu’à marée haute ou lorsque la mer est étale. Et puis, il y a des choses qui lui ôtent tout pouvoir, comme l’ail, nous le savons assez ; comme ce symbole, ma petite croix d’or, devant laquelle il recule avec respect et s’enfuit. Il y en a encore d’autres, et il vous faut les connaître, au cas où nous devrions nous en servir au cours de nos recherches : une branche de rosier sauvage, posée sur son cercueil, l’empêche d’en sortir, une balle bénite que l’on tirerait de son cercueil le tuerait, et il deviendrait alors un mort véritable. Quant au pieu que l’on enfonce dans son cœur, nous savons qu’il lui donne également le repos éternel, repos éternel qu’il connaît de même si on lui coupe la tête. Nous l’avons constaté de nos propres yeux.
« Ainsi donc, en ce qui concerne le comte Dracula, quand nous trouverons la demeure de cet homme, nous pourrons le forcer à rester dans son cercueil où nous le détruirons. Mais il est rusé, ne l’oublions pas, et très intelligent aussi. J’ai demandé à mon ami Arminius, de l’université de Budapest, de me communiquer l’histoire de sa vie, et il m’a mis au courant de tout ce qu’il connaissait. Ce doit être ce même voïvode Dracula qui fonda sa renommée en traversant le grand fleuve et en allant battre le Turc à la frontière même de la Turquie. S’il en est ainsi, il ne s’agit pas d’un homme ordinaire, car à l’époque, et pendant les siècles qui suivirent, on parla de lui comme du fils le plus habile et le plus audacieux mais aussi le plus courageux du « pays par-delà la forêt ». Cette intelligence supérieure et cette volonté inébranlable, il les garda jusque dans la tombe, et il s’en sert maintenant contre nous. Les Dracula, dit Arminius, appartenaient à une illustre et noble race, encore que certains d’entre eux, au cours des générations successives, s’il faut en croire les contemporains, aient eu des rapports avec le Malin. Ils se mirent à son école et apprirent ses secrets à Scholomance, dans les montagnes qui dominent le lac d’Hermanstadt, où le diable revendique un disciple sur dix comme sa propriété. Les documents emploient les termes de stregoica – sorcière –, ordog, etpokol – Satan, enfer ; et l’un des manuscrits parle de notre Dracula comme d’un wampyr, vocable que tous ici nous ne comprenons que trop bien. C’est de sa propre semence, de lui seul, que sont nés tant de grands hommes et de femmes illustres et leurs tombeaux sanctifient cette terre qui est la seule dans laquelle le monstre se trouve chez lui. Car parmi les caractéristiques qui le rendent si effrayant, la moindre n’est pas qu’il soit profondément enraciné dans tout ce qui est bon. Il ne pourrait perdurer dans un terrain vierge de mémoires sacrées.
Depuis un bon moment déjà, Mr Morris ne cessait pas de regarder par la fenêtre ; finalement, il se leva sans donner aucune explication et sortit de la pièce. Le professeur s’était tu un moment ; bientôt, il reprit :
– Et maintenant, nous devons décider ce que nous allons faire. Nous disposons de beaucoup de données, et c’est à partir de là qu’il nous faut établir notre plan. Nous savons, d’après l’enquête qu’a menée Jonathan, que cinquante caisses de terre sont venues du château de Dracula à Whitby et que toutes ont été envoyées à Carfax ; mais nous savons également que l’on est venu ensuite en rechercher au moins quelques-unes. À mon avis, il nous faut en premier lieu nous assurer si toutes les autres sont bien restées dans cette maison, ou si on en a encore enlevé. Dans ce cas, nous rechercherons…
Il fut interrompu d’une façon assez surprenante ; nous entendîmes au-dehors un coup de pistolet. Une balle fit voler en éclats une vitre de la fenêtre puis, faisant ricochet du haut de l’embrasure, vint frapper le mur du fond de la pièce. Sans doute suis-je pusillanime, car je criai de peur. D’un bond, les hommes se levèrent tous en même temps ; Lord Godalming se précipita à la fenêtre, qu’il ouvrit aussitôt. Nous entendîmes alors la voix de Mr Morris :
– Mille excuses ! Je vous ai effrayés, n’est-ce pas ? Je rentre vous raconter ce qui s’est passé !
Un instant plus tard, il était de nouveau dans le bureau.
– C’est idiot de ma part ! dit-il, et je vous prie très sincèrement de me pardonner, Mrs Harker ! Je crois que je vous ai fait terriblement peur. Mais voici : pendant que le professeur parlait, une grosse chauve-souris est venue se poser sur le rebord de la fenêtre. Depuis les événements récents, j’ai une telle horreur de ces sales bêtes que je ne peux plus en voir une sans vouloir la tuer ; cela m’est arrivé je ne sais combien de fois déjà depuis plusieurs soirs. Et vous vous moquiez de moi, n’est-ce pas, Art ?
– L’avez-vous touchée ? demanda le Dr Van Helsing.
– Je ne crois pas, car elle a continué à voler en direction du bois.
Sans un mot de plus, il se rassit, et le professeur acheva ce qu’il avait à dire :
– Nous rechercherons chacune de ces caisses et, quand nous saurons où elles se trouvent, ou bien nous nous emparerons de ce monstre, ou bien nous le tuerons dans un de ses repaires. Ou encore, nous rendrons inefficace la terre contenue dans les caisses afin qu’il n’y soit plus en sûreté. Ainsi, nous le prendrons sous sa forme humaine entre l’heure de midi et le coucher du soleil, nous engagerons la lutte avec lui au moment où il est le plus faible… En ce qui vous concerne, madame Mina, à partir de ce soir, vous ne vous occuperez plus de rien jusqu’à ce que tout soit fini. Vous nous êtes trop précieuse pour vous exposer à de si grands dangers. Une fois que nous nous serons séparés ce soir, vous ne nous poserez plus aucune question. Nous vous raconterons tout, en temps opportun. Nous sommes, nous, des hommes, capables de supporter les plus dures épreuves ; mais vous, vous serez notre étoile et notre espoir, et nous agirons avec d’autant plus de liberté que nous saurons que vous êtes à l’abri de tout danger.
Tous, et même Jonathan, parurent soulagés d’une grande inquiétude ; cependant, je ne trouvais pas souhaitable qu’ils se lancent sans moi dans cette aventure car, plus nombreux, nous eussions aussi été d’autant plus forts. Mais leur résolution était prise et je n’avais qu’à m’incliner – à accepter le chevaleresque souci qu’ils prenaient de ma sécurité.
Mr Morris intervint alors :
– Comme il n’y a pas de temps à perdre, dit-il, je propose que nous allions tout de suite voir ce qui se passe dans cette maison. Quand on a affaire à ce monstre, chaque minute est importante : en agissant rapidement, peut-être l’empêcherons-nous de faire une victime de plus.
Je l’avoue, je sentis mon courage m’abandonner au moment où je compris qu’ils allaient se mettre à l’œuvre sur-le-champ ; mais je n’en laissai rien paraître de crainte que, s’ils s’apercevaient jamais que mes terreurs pouvaient devenir une entrave à leur entreprise, ils ne me permettent même plus désormais d’assister à leurs discussions. Ils sont maintenant allés à Carfax, emportant tout ce qui leur est nécessaire pour entrer dans la maison.
Cela ressemble bien aux hommes ! Ils m’ont dit d’aller me coucher et de dormir. Comme si une femme pouvait dormir quand ceux qu’elle aime sont en danger ! Mais je me mettrai au lit et ferai semblant de dormir, pour que Jonathan, quand il rentrera, n’éprouve pas de nouvelles inquiétudes à mon sujet.