« Madame,
« Je vous écris cette lettre à la demande de Mr Jonathan Harker qui est encore trop faible pour le faire lui-même, bien que son état de santé s’améliore de jour en jour, grâce à Dieu, à Saint Joseph et à Sainte Marie
« Je prie pour vous, Madame, et me dis sincèrement vôtre,
« Sœur AGATHA.
« P.S. Mon malade s’étant endormi, je rouvre cette lettre pour vous écrire encore quelques mots. Il m’a beaucoup parlé de vous, m’a appris que vous deviez bientôt vous marier. Tous mes vœux à vous et à lui ! D’après le médecin qui le soigne, il a reçu un choc terrible et, dans son délire, moi-même je l’ai entendu parler de choses effroyables : de loups, de poison et de sang ; de fantômes et de démons ; d’autres choses encore que je n’ose pas nommer… Pendant longtemps, il vous faudra prendre garde de ne pas lui remémorer l’un ou l’autre de ces sujets pénibles ; les traces de la maladie dont il a souffert ne s’effacent pas facilement. Nous aurions voulu vous avertir plus tôt de tout ceci, mais nous ne savions pas à qui écrire, n’ayant l’adresse d’aucun de ses amis, d’aucun de ses parents, et il n’avait sur lui aucun papier que nous aurions pu déchiffrer. Il est arrivé chez nous en débarquant du train de Klausenburg et le chef de gare lui avait fait donner un billet pour la gare la plus proche.
« Il est très bien soigné, soyez-en certaine. Par sa bonté et sa douceur, il a gagné, ici, tous les cœurs. Réellement, comme je vous le disais au début de cette lettre, il va de mieux en mieux, mais – je le répète également – vous devrez veiller à sa tranquillité d’esprit. Je prie Dieu et Saint Joseph et Sainte Marie qu’ils vous accordent à tous deux beaucoup, beaucoup, beaucoup d’années heureuses. »