VIII

Je regardai en dessous. Nous avions pris de la hauteur et survolions un bourg provincial que je ne connaissais pas, bâti sur le large flanc d'un coteau.

Des clochers s'élevaient au-dessus de la masse sombre des toits de bois et des vergers ; un grand pont tranchait en noir sur le coude de la rivière ; tout était silencieux, engourdi de sommeil. Les coupoles et les croix semblaient briller elles-mêmes d'un éclat silencieux ; les perches hautes des puits voisinaient dans le silence avec les coiffes rondes des osiers ; une route blanchâtre s'enfonçait, sans bruit, dans la ville et en ressortait à l'autre bout, toujours muette, pour se plonger dans la morne étendue des champs monotones.

Je demandai :

« Quelle est cette ville ?

— C'est …sov.

— …sov, dans le gouvernement de …oy ?

— Oui.

— Je suis loin de chez moi.

— Pour nous autres, il n'y a point de distance.

— Vraiment ? » répliquai-je.

Puis, pris d'un courage soudain :

« Eh bien, conduis-moi en Amérique du Sud !

— Cela n'est pas possible ; il y fait jour, à présent.

— Et nous sommes des oiseaux de nuit, n'est-ce pas ?… Eh bien, allons où tu voudras, mais le plus loin possible !

— Ferme les yeux et retiens ton souffle ! »

Nous nous élançâmes, rapides comme l'ouragan. L'air sifflait aux oreilles avec un bruit effrayant.

Nous nous arrêtâmes enfin, mais le bruit ne cessait pas. Au contraire, on entendait une sorte de fracas menaçant, un tonnerre assourdi…

« Tu peux rouvrir les yeux », dit Ellys.

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