XI

Fabius décida d'attendre son réveil et de se rendre à Ferrare, quand on frappa doucement à la porte. Le jeune homme sortit aussitôt et reconnut son vieux majordome Antonio.

« Signor, le domestique malais vient de nous faire savoir que son maître, le signor Mucius, est indisposé et veut se transporter en ville. En conséquence, il vous demande de bien vouloir lui dépêcher quelques hommes pour l'aider à plier les bagages de son maître. En outre, il réclame, à l'heure du repas, des chevaux de bât et de selle et une petite escorte. L'autorisez-vous, signor ?

— C'est le Malais qui te l'a dit ? De quelle manière ? N'est-il pas muet ?

— Si, signor. Mais il me l'a écrit en notre langue, et fort correctement. Voici le billet.

— Et Mucius, m'as-tu dit, est malade ?

— Oui, signor, très malade, et il est interdit de le voir.

— Avez-vous envoyé chercher un médecin ?

— Non, signor, le domestique s'y est opposé.

— Et c'est lui qui t'a écrit cela ?

— Oui, signor. »

Fabius réfléchit un moment.

« Eh bien, soit, fait comme il te le demande », murmura-t-il enfin.

Antonio se retira.

Fabius le suivit d'un regard perplexe.

« Il n'est donc pas mort », songe a-t-il, sans savoir s'il devait s'en réjouir ou le regretter.

« Malade ? » Pourtant n'avait-il pas vu lui-même un cadavre ?

Le jeune homme retourna dans la chambre à coucher. Valéria s'éveilla et souleva la tête. Les deux époux échangèrent un long regard éloquent.

« Il n'est plus ? » chuchota soudain la jeune femme.

Fabius tressaillit violemment.

« Que veux-tu dire ?… As-tu donc ?…

— Il est parti ? » poursuivit-elle.

Le peintre soupira d'aise.

« Non, pas encore, mais il doit partir aujourd'hui.

— Et je ne le reverrai plus jamais… jamais ?

— Non… plus jamais. »

Un sourire heureux réapparut sur ses lèvres, et elle tendit ses deux mains à son époux.

« Nous ne parlerons plus jamais de lui… jamais… tu me le promets ?… Et je ne sortirai pas de notre chambre tant qu'il ne sera point parti… Voudrais-tu appeler mes servantes ?… Et puis attends, prends cet objet. »

Elle désigna le collier de perles, posé sur sa table de chevet.

« Jette-le vite dans notre puits le plus profond… Étreins-moi… Je suis ta Valéria… à toi seulement… Ne reviens pas avant le départ de… l'autre. »

Fabius prit le collier — les perles lui semblèrent plus ternes —et se conforma aux désirs de Valéria.

Ensuite il se promena dans le parc, en jetant, de temps en temps, un regard du côté du pavillon, où les domestiques s'affairaient déjà aux préparatifs du départ, sortaient les caisses, chargeaient les chevaux. Le Malais ne se trouvait point parmi eux.

Fabius éprouva un besoin invincible de voir ce qui se passait à l’intérieur du pavillon ; se rappelant qu'il y avait une entrée secrète, il se faufila jusque-là, souleva le rideau et jeta un coup d'œil irrésolu à l'intérieur de la pièce.

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