XI

Le lendemain, à onze heures du matin, le vieux major qui servait de témoin à Kister vint le trouver, et, en tirant ses moustaches grises, il maudissait Loutchkof. La voiture était attelée. Kister remit au major deux lettres : l’une pour sa mère, l’autre pour Maria.

« À quoi sert ? dit le vieil officier.

– On ne sait ce qui peut arriver, répondit Théodore.

– Quelle folie ! Nous le tuerons comme un perdreau.

– Que tout soit pour le mieux ! »

Le major plaça tristement les deux lettres dans sa poche. Ils se mirent en route. Près d’un petit bois, à deux verstes de Kirilof, ils furent rejoints par Loutchkof et par son témoin, le sentimental adjudant qui avait été autrefois son ami.

Le temps était superbe. Les oiseaux gazouillaient sur les arbres. À quelque distance un paysan bêchait la terre.

Tandis que les témoins réglaient les distances, établissaient les barrières, examinaient et chargeaient les pistolets, les deux adversaires restaient sur le terrain sans se regarder. Kister se promenait çà et là, d’un air insouciant, brandissant entre ses mains une baguette. Avdieï était immobile, les bras croisés, les sourcils froncés.

Le moment décisif approchait.

« À vos places, messieurs, » dirent les témoins.

Kister s’avança rapidement vers la barrière ; mais il n’avait pas fait cinq pas que son antagoniste tira. Théodore tressaillit, fit encore un pas, vacilla, pencha la tête ; puis ses genoux fléchirent et il tomba lourdement sur le sol. Le major se précipita vers lui.

« Est-il possible ? » dit le mourant.

Avdieï s’approcha de sa victime. Sa maigre et sombre figure eut une expression de dure et froide pitié. Il inclina la tête devant le major et l’adjudant comme un coupable, monta en silence à cheval, et se dirigea au pas vers la demeure du colonel.

Maria vit encore.

Share on Twitter Share on Facebook