I Vade retro ananas

« Mon cher chérichouchou d’amour que j’aime de tout mon cœur… Ce matin un lapin a tué un chasseur… Nous nous amusons bien à Saint-Balo. C’est vraiment une très jolie ville, pleine de moussaillons en goguette et de vieilles bretonnes à moustaches… c’était un lapin qui, c’était un lapin qui… Tu nous manques fort. Vivement samedi ! Ce matin un lapin a tué un chasseur… Pioupiou et Michou se joignent à moi pour te faire des tas de bisous… C’était un lapin qui, avait un fusil… Ta Géraldine. »

Assis dans la cuisine, tandis que le transistor crachouille sans discontinuer les derniers tubes à la mode sur Radio-Ploucamor, j’équeute des haricots en relisant pour la énième fois la carte postale de Géraldine ; Au recto, on peut voir deux jeunes éphèbes sur la plage de Saint-Balo, en train de jouer au frisbee avec une rondelle d’ananas au sirop.

Normalement je devais partir les rejoindre avant-hier, mais, juste au moment où je posais ma valise sur le perron, le téléphone s’est mis à sonner.

C’est fou des fois ce que le destin tient à peu de choses. J’ai fermé la porte, empoigné ma valise, suis descendu dans le jardin, ai refermé le portillon derrière moi et me suis dirigé d’un pas guilleret vers la gare routière. Au bout de deux-cents mètres, je me suis rendu compte que j’avais oublié le paquet de Petits LU que je m’étais acheté pour le goûter et j’ai fait demi-tour pour aller le chercher. En arrivant à la maison, le téléphone sonnait toujours. Je suis resté là, à hésiter encore pendant cinq bonnes minutes devant le guéridon du salon, et puis finalement la curiosité l’a emporté et j’ai décroché.

J’aurais pas dû…

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