XIX

Tel est le dénouement de cette histoire, en attendant qu’un autre plus heureux lui soit peut-être donné ?

Il va sans dire que les nouveaux époux avaient abandonné leurs projets d’autrefois. Il ne pouvait plus être question d’un voyage en France. Je prévoyais même que mon frère ne ferait plus à Paris que de rares apparitions, et qu’il se fixerait définitivement à Ragz. Gros chagrin pour moi, auquel je devrais me résigner.

Le mieux, en effet, était de vivre, sa femme et lui, dans le vieil hôtel, près de M. et Mme Roderich. D’ailleurs, on s’accoutumerait à cette existence, et Myra, je le répète, il semblait qu’on la vît gracieuse et souriante… Elle révélait sa présence par ses paroles, par la pression de sa main ! On savait toujours où elle était et ce qu’elle faisait. Elle était l’âme de la maison, – invisible comme une âme !

Et puis il y avait cet admirable portrait d’elle fait par Marc. Myra aimait à s’asseoir près de cette toile, et, de sa voix réconfortante, elle disait :

« Vous le voyez bien… C’est moi… je suis là… je suis redevenue visible… et vous me voyez comme je me vois ! »

Ayant obtenu une prolongation de congé, je restai encore quelques semaines à Ragz, vivant à l’hôtel Roderich dans la plus complète intimité de cette si éprouvée famille, et je ne voyais pas s’approcher sans regret le jour où il faudrait partir !…

Et je me demandais, parfois, s’il fallait désespérer de jamais revoir la jeune femme dans sa forme matérielle, si quelque phénomène physiologique ne se produirait pas, ou si même le temps n’agirait pas, qui ramèneraient la visibilité perdue, si un jour, enfin, Myra ne reparaîtrait pas à nos yeux, rayonnante de jeunesse, de grâce et de beauté ?…

L’avenir le fera peut-être, mais fasse aussi le Ciel que le secret de l’invisibilité ne se retrouve plus, et qu’il soit à jamais enseveli dans la tombe d’Otto et de Wilhelm Storitz !

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