XI De l’exécution des arrêts

Faut-il aller au bout de la terre, faut-il recourir aux lois de la Chine, pour voir combien le sang des hommes doit être ménagé ? Il y a plus de quatre mille ans que les tribunaux de cet empire existent, et il y a aussi plus de quatre mille ans qu’on n’exécute pas un villageois à l’extrémité de l’empire sans envoyer son procès à l’empereur, qui le fait examiner trois fois par un de ses tribunaux ; après quoi il signe l’arrêt de mort, ou le changement de peine, ou de grâce entière.

Ne cherchons pas des exemples si loin, l’Europe en est pleine. Aucun criminel en Angleterre n’est mis à mort que le roi n’ait signé la sentence ; il en est ainsi en Allemagne et dans presque tout le Nord. Tel était autrefois l’usage de la France, tel il doit être chez toutes les nations policées. La cabale, le préjugé, l’ignorance, peuvent dicter des sentences loin du trône. Ces petites intrigues, ignorées à la cour, ne peuvent faire impression sur elle : les grands objets l’environnent. Le conseil suprême est plus accoutumé aux affaires, et plus au-dessus du préjugé ; l’habitude de voir tout en grand l’a rendu moins ignorant et plus sage ; il voit mieux qu’une justice subalterne de province si le corps de l’État a besoin ou non d’exemples sévères. Enfin, quand la justice inférieure a jugé sur la lettre de la loi, qui peut être rigoureuse, le conseil mitige l’arrêt suivant l’esprit de toute loi, qui est de n’immoler les hommes que dans une nécessité évidente.

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