Ragastens, lorsqu’il fut remonté à la surface de la terre, était livide, comme si, du tombeau de la Voie Appienne, il fût réellement sorti un mort. Quelque chose de nouveau et de profond venait d’entrer dans sa vie. C’était une poignante sensation de désespoir et un sentiment confus de joie orgueilleuse à peine perceptible.
Il allait à pas lents, entre les deux rangées de tombeaux, silencieux, s’interrogeant, cherchant à comprendre ce qui se passait en lui. Et sa pensée s’épandait en phrases hachées :
– Jadis, lorsqu’il m’arrivait de sentir battre mon cœur à l’aspect d’une femme, maintes fois, je me suis dit que j’aimais… Puis, en quelque cabaret, une querelle, un duel me faisaient oublier la femme aimée… J’étais libre alors… Libre de parcourir l’univers, avec la joie d’être partout chez moi !…
Il s’arrêta, essuya son front d’un revers de main. Puis il murmura :
– Libre !… Et seul !… Primevère ! murmura-t-il.
Et comme sa main crispée se posait, dans un mouvement machinal, sur ses yeux brûlants de fièvre, il sentit que cette main se mouillait… Oui !… Ragastens pleurait !…