ÉPILOGUE

Michel Zévaco

Huit jours plus tard, Trencavel et Annaïs quittèrent Paris pour aller s’établir dans l’Anjou, en un domaine ou Mauluys et Rose devaient venir les rejoindre, Rascasse les accompagnait.

Le brave Montariol, devenu maître en fait d’armes, prit la direction de l’académie des Bons-Enfants. Il y fit fortune.

La duchesse de Chevreuse fut exilée.

Le duc de Vendôme et le Grand-Prieur avaient été transférés au donjon de Vincennes, où se trouvait déjà le maréchal d’Ornano. Le Grand-Prieur y mourut d’ennui… ou d’autre chose, deux ans et demi après ces événements. Le duc de Vendôme, lui, en sortit, mais ce fut en abandonnant son gouvernement de Bretagne. Il se retira en Hollande et plus tard en Angleterre. Il ne rentra en France qu’à la mort de Richelieu.

Quant à Ornano, il mourut dans son cachot le 27 septembre de cette même année 1626.

Chacun sait quelles furent par la suite les cabales et les lâchetés de Gaston d’Orléans.

Quelques jours après le départ de Trencavel pour l’Anjou, le cardinal de Richelieu et le Père Joseph, un soir, rentrèrent au Louvre. La Cour était assemblée.

Monsieur, qui avait déjà oublié la mort de l’infortuné Chalais, papillonnait. Madame était fort entourée de jeunes seigneurs qui lui faisaient la cour. Le roi jouait aux cartes. C’était en somme une fort brillante assemblée. La reine Anne d’Autriche seule semblait triste et découragée. Le Père Joseph entra discrètement et disparut dans la cohue élégante. Le cardinal de Richelieu alla droit au roi et s’inclina devant lui.

« Bonsoir, monsieur le cardinal, dit Louis XIII. Vous êtes le bienvenu.

– Sire, dit Richelieu, Votre Majesté a daigné assister à la messe que j’ai dite lors de la consécration de ma chapelle. J’ai maintenant l’intention d’inaugurer le palais Cardinal par une fête, et je viens supplier Votre Majesté de l’honorer de sa présence ainsi que Sa Majesté la reine, ainsi que Leurs Altesses royales Monsieur et Madame, ainsi que vous tous, messieurs !… »

La reine pâlit. Il se fit un lourd silence. On attendait ce qu’allait dire le roi pour savoir où en était la faveur du puissant ministre.

« Ma foi, monsieur le cardinal, dit le roi, votre fête est la bienvenue. On s’ennuie fort à la cour de France. J’irai. Et j’entends que tout le monde y soit.

– Certes ! » s’écria Gaston avec empressement.

Déjà le murmure d’admiration s’élevait dans la cohue des courtisans. À ce moment, la reine Anne d’Autriche se leva et prononça distinctement :

« Cela est odieux ! »

Le roi jeta violemment ses cartes, se leva, et, foudroyant la reine d’un regard :

« Rentrez chez vous, madame. »

La reine sortit en jetant un regard mortel à Richelieu. Le roi prit le cardinal par la main, et, d’une voix tremblante de fureur :

« Messieurs, voici celui à qui je veux que tout le monde obéisse !… »

Le cardinal de Richelieu se dressa dans sa robe rouge et vit toutes les têtes inclinées sous son regard. Il sentit la joie suprême du triomphe et, tandis qu’un souffle d’épouvante balayait la vaste salle, il songea :

« Je suis le maître. Le Père Joseph l’a dit. Mon règne commence. »

À ce moment, il pâlit. Car au-dessus de toutes ces têtes courbées par la terreur il y en avait une qui le regardait fixement d’un regard dur et dominateur. C’était une tête d’homme aux traits profondément burinés.

La France avait un maître, et ce maître s’appelait le Père Joseph !

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