VII L’AUBERGE DE LA BELLE FERRONNIÈRE

Michel Zévaco

La grande salle de l’auberge, vers midi, était pleine d’éclats de rire, de bruyantes exclamations, de cliquetis de gobelets et de brocs. Ceci se passait huit jours après le duel de Trencavel avec Annaïs de Lespars dans les jardins de la rue Courteau, c’est-à-dire le jour même où devait se tenir en l’hôtel de Guise la mystérieuse réunion dont avait parlé Gaston d’Anjou.

Vers midi donc, un gentilhomme pénétra dans la salle, le manteau retroussé par la rapière, le feutre sur l’oreille, la lèvre dédaigneuse, l’œil insolent. Il chercha du regard une place d’où il pût bien voir la porte d’entrée, et, l’ayant trouvée, alla s’y asseoir en grommelant :

« Le diable soit, du cardinal qui me commet à la surveillance de pareils maroufles. Je me demande ce qu’un Saint-Priac peut avoir de commun avec un Rascasse et un Corignan !… »

Un peu pâle encore de sa blessure, mais plus arrogant que jamais depuis qu’il était sûr de la faveur de Richelieu, le baron de Saint-Priac s’installa, et frappant du poing :

« Holà, la fille, ici ! »

La fille à qui s’adressait ce discours laissa tomber sur Saint-Priac un regard froid, et, appelant une servante : « Madelon, dit-elle, voyez ce que veut boire Monsieur.

– Oui, mademoiselle Rose, fit la servante, qui s’empressa.

– Palsambleu !… vociféra Saint-Priac, Monsieur veut boire une bouteille de vin d’Anjou. Mais il entend qu’elle lui soit versée par Rose, puisque Rose il y a ! »

La fille unique de la veuve Houdart, patronne de l’auberge, reprit d’une voix très calme :

« Madelon, du vin d’Anjou à Monsieur. Et puis, voyez ce que veulent ces mousquetaires, là-bas, et vite ! »

Quelqu’un entrait à ce moment. Ce quelqu’un, c’était le comte de Mauluys. Derrière Mauluys, un petit homme ventru fit irruption dans la salle, se hissa sur un escabeau comme sur un observatoire, d’où il domina la foule des buveurs. Tout de suite, il aperçut Saint-Priac, et, se laissant glisser du siège où il était juché, se faufila vers le baron en murmurant :

« Bon ! Le damné Corignan n’est pas encore là. Je vais prendre position dans l’esprit de ce faquin de Saint-Priac qu’il a plu à l’Éminence de nous donner pour chef de file… »

Et Rascasse, le chapeau à la main, s’approcha avec force courbettes de la table où tempêtait le baron de Saint-Priac.

Le comte de Mauluys, traversant la salle avec son aisance tranquille, arriva près de Rose qu’il salua d’un air de politesse exquise, comme s’il eût salué une noble dame. C’était la fille d’une cabaretière – cabaretière elle-même. La réponse au salut du gentilhomme fut sobre et digne.

« Trencavel et Montariol sont-ils arrivés ? demanda Mauluys à voix basse.

– Ils vous attendent dans le cabinet, monsieur le comte.

– Merci, mademoiselle » fit Mauluys.

Il tourna le dos et se dirigea vers la petite salle. Rose s’éloigna de son côté. Saint-Priac saisit Rascasse par le bras et dit :

« Sur ta vie, sache où va cet homme et ne le perds pas de vue ! »

Rascasse connaissait l’auberge de la Belle Ferronnière en ses coins et recoins. Il savait que la salle où Mauluys venait de pénétrer s’éclairait d’une petite fenêtre donnant sur une cour étroite. Portant les yeux sur cette fenêtre, il vit qu’on avait soulevé le rideau de l’intérieur. Et, dans la pénombre, derrière le comte, il distingua deux visages qu’il reconnut.

« Le damné Trencavel et son prévôt ! » murmura Rascasse.

Le rideau retomba. Alors, il rentra dans l’auberge et s’approcha de Saint-Priac.

« Monsieur le baron, lui glissa-t-il à l’oreille, vous tenez votre insulteur. Il se trouve en ce moment dans cette arrière-salle avec deux dangereux rebelles que nous sommes chargés de retrouver pour les faire pendre. Il y a complicité flagrante. Votre homme sera pendu lui aussi.

– Oh ! oh ! fit Saint-Priac. Et quels sont ces deux rebelles ?

– L’un est un prévôt qui, dans la rue des Bons-Enfants, a rossé les agents du lieutenant-criminel. Et l’autre… c’est celui à qui vous devez ce beau coup d’épée ! Celui qui s’emparait de votre nom pour pénétrer chez Son Éminence !

– Trencavel !… »

Saint-Priac se leva tout d’une pièce.

« Ne bouge pas d’ici. Toi et Corignan, vous restez en surveillance. Si les rebelles sortent, suivez-les, et l’un de vous viendra me rendre compte ici de la maison où ils seront entrés…

– Moi et Corignan ? » demanda machinalement Rascasse.

Mais déjà Saint-Priac s’était élancé au-dehors.

« Eh bien, et cette grillade ?

– Dans quelques minutes, mon révérend. En attendant, goûtez à cette friture. »

Rascasse, vivement, se retourna, et, à une table proche, aperçut Corignan qui était installé, le couteau au poing, une cruche devant lui. Lubin déposait sur la table une merveilleuse friture de menus goujons. Corignan, la bouche fendue d’un immense sourire goguenard, fit signe à Rascasse de prendre place en face de lui.

« J’ai tout entendu, dit le moine. Nous devons surveiller la sortie de Trencavel, tandis que le sire de Saint-Priac va chercher du renfort. Fratres ad succurrendum. Cependant, attaquons cette friture. »

Après la friture vint une omelette aux petits lards qui faillit réconcilier Rascasse avec Corignan.

À ce moment, une porte, au fond, s’ouvrit : Mauluys, Trencavel et Montariol parurent.

« Alerte ! » dit Rascasse, qui se glissa sous la table, tandis que le capucin rabattait son capuchon.

Trencavel et son prévôt, accompagnés du comte de Mauluys, traversèrent la salle et gagnèrent la rue.

« En route ! » firent ensemble le moine et l’avorton.

Aussitôt, ils s’élancèrent au-dehors et virent Mauluys, Trencavel et Montariol remontant la rue Sainte-Avoye. En même temps, par la rue de la Verrerie, ils aperçurent le baron de Saint-Priac qui accourait à la tête d’une vingtaine de gardes. Sur les signaux des deux espions, Saint-Priac précipita sa marche, et, voyant au loin ses ennemis :

« Je les tiens ! rugit-il. En avant, vous autres ! »

Trencavel, Montariol, Mauluys continuaient leur chemin. Ils allongeaient le pas, mais sans courir. De distance en distance, Montariol tournait la tête et disait :

« Ils sont à cinq cents pas… à trois cents… à deux cents… »

Mauluys dirigeait la manœuvre :

« Ce Saint-Priac est décidément une laide bête. – Allongez un peu, Montariol. – Il est certain que c’est à vous seul qu’ils en veulent, Trencavel. – Voici : en arrivant à hauteur de la rue des Quatre-Fils, vous tournerez à droite, et, en quelques bonds, vous gagnerez ma maison. – M. Montariol et moi, nous arrêterons bien deux minutes les estafiers du cardinal, en les amusant… »

En prolongement de la rue des Quatre-Fils, on trouvait la rue des Vieilles-Haudriettes, laquelle, à son tour, débouchait sur la rue Sainte-Avoye, que longeaient à ce moment les trois poursuivis. Dans la rue des Quatre-Fils, en face les jardins de l’hôtel de Guise, s’élevait une maison d’un seul étage, élégante, mais assez délabrée ; le logis datait de François 1er. C’était l’hôtel du comte de Mauluys.

C’est là que ce digne seigneur vivait son existence retirée. Un seul domestique, répondant au nom de Verdure, suffisait à l’entretien de la maison.

Les trois poursuivis n’étaient plus qu’à une vingtaine de pas de la rue des Vieilles-Haudriettes. Derrière eux, Saint-Priac et sa bande arrivaient au pas de charge.

« Arrête ! Arrête ! » hurla Saint-Priac.

Ils ne se retournèrent pas. Ils touchaient presque l’encoignure de la rue.

Mauluys, sans un mot, tira sa rapière et dégaina, face à Saint-Priac.

« Au large ! Trencavel, au large ! dit Mauluys.

– Allons donc, mon cher comte, est-ce que vous croyez que j’ai pris au sérieux votre plaisanterie de tout à l’heure ? »

À l’instant, les gardes furent sur eux.

« Au nom du roi, vos épées ! cria Saint-Priac.

– Monsieur de Saint-Priac, dit Mauluys, pourquoi, en changeant de pays, avez-vous changé de métier ? En Anjou, vous arrêtiez sur les grands chemins : cela vous allait mieux que d’arrêter par les rues ! »

Les trois, bien alignés, se laissant une suffisante distance pour la manœuvre, tombèrent en garde. Les gardes s’avancèrent, Montariol commença un moulinet terrible. Mauluys était impassible. Trencavel essuyait le sol du bout du pied.

« Si je suis tué, disait Mauluys, imperturbable, et que vous en sortiez, Trencavel, allez chez moi, ouvrez le bahut de ma chambre à coucher et, dans le tiroir de gauche, vous trouverez la lettre…

– La lettre ? » fit Trencavel, étonné.

Mauluys n’eut pas le temps de répondre : les gardes fonçaient. Il y eut un choc retentissant.

« Battez et dégagez ! fit Trencavel en tuant son homme.

– Pour le maître ! Pour le prévôt ! Pour l’académie ! » hurla Montariol, enivré par le génie des batailles.

Et, à chaque cri, à fond, il se fendit : trois hommes sur le carreau.

Mauluys ne dit rien, mais son épée fut rouge tout de suite. Les gardes, stupéfaits de la rébellion ouverte, effarés par la résistance furieuse, refluaient en désordre. Ils se regardèrent, tout pâles. Saint-Priac, livide de honte, trépignait. Il y eut une nouvelle ruée des gardes sur les trois, rangés à l’angle.

Au choc, Mauluys et Montariol furent repoussés à gauche, dans la direction de la rue Saint-Martin, Trencavel fut rejeté sur la droite, vers la rue des Quatre-Fils.

Saint-Priac n’hésita pas : Trencavel n’avait que l’épée pour le combattre, Mauluys était armé de l’effroyable secret. Il fallait tuer Mauluys !… Ce fut sur la gauche que le baron entraîna le gros des assaillants. Trencavel fut poursuivi par un sergent et quatre gardes. Mais, avec ce groupe, marchaient Corignan et Rascasse.

D’un pas rapide et souple, l’épée rouge au poing, le maître en fait d’armes s’avançait, serré de près. Il fila par la rue des Quatre-Fils et, contournant les jardins de l’hôtel de Guise, il se lançait dans la rue Vieille-du-Temple… À ce moment, une troupe déboucha par la rue Barbette… Rascasse et Corignan poussèrent un grognement de triomphe… Trencavel était pris entre deux bandes !

Trencavel vit venir à lui cette troupe qui entrait dans la rue Vieille-du-Temple : c’étaient des Suisses – probablement quelque patrouille prévenue. Ainsi, devant lui, les Suisses, au nombre de huit. Derrière lui, les gardes, dirigés par Corignan et Rascasse. À sa droite, il y avait le mur de clôture des jardins de Guise. À quelques pas, une porte basse faisait renfoncement dans ce mur. Le maître en fait d’armes bondit jusqu’à cette porte et s’y adossa.

Les deux bandes assaillantes, Suisses et gardes, avaient fait leur jonction devant la porte. Le sergent aux gardes prit le commandement de toute la troupe et disposa ses hommes. Tout compté, ils étaient quatorze. Trencavel était seul. Mais c’était Trencavel !

Dans le même instant, ils se jetèrent sur Trencavel. Alors, au milieu des jurons forcenés, retentit un terrible cliquetis d’épées entrechoquées. Il y eut un tourbillon furieux. On vit deux Suisses et un garde se retirer de la mêlée, tout sanglants. On vit, pendant quelques secondes tragiques, voltiger une rapière qui piquait, pointait, parait à droite, à gauche, répondait à dix rapières à la fois. Et, brusquement, on vit cette épée se briser. Trencavel était perdu. Une clameur de victoire éclata. Vingt bras se levèrent pour saisir le rebelle. Et Corignan, arrivant à la rescousse, fendait rudement le flot des gardes et laissait tomber sa main sur l’épaule de Trencavel, en hurlant :

« Il est à moi ! À moi seul !… »

Dans ce moment, la porte à laquelle s’appuyait Trencavel s’ouvrit brusquement. Le maître en fait d’armes, sous la poussée des assaillants, fut rejeté dans l’intérieur des jardins. Corignan, dont la manœuvre soudaine avait un instant protégé Trencavel contre les gardes, Corignan fut entraîné avec lui.

Les gardes s’élancèrent pour franchir à leur tour cette porte… Et, brusquement, ils s’arrêtèrent, tout ébahis : la porte venait de leur être fermée au nez ! Et ils entendirent qu’à l’intérieur on poussait un fort verrou. Ils crièrent : « Démolissons la porte !… – Halte ! fit le sergent. Démolir une porte de l’hôtel de Guise ! Diable ! je ne veux pas risquer ma tête ! » Laissant donc trois hommes en surveillance, le sergent fit le tour avec le reste de sa troupe, plus ou moins éclopée, gagna la rue du Chaume et s’en alla heurter au portail de l’hôtel pour demander la permission de fouiller les jardins.

Nul ne lui répondit. L’hôtel de Guise était désert !… La surveillance dura jusqu’au soir. À la nuit tombante, on supposa avec juste raison que depuis longtemps Trencavel et ses complices avaient dû franchir le mur sur un point quelconque des vastes jardins et se mettre en lieu sûr.

Ses complices !… c’étaient, d’après le sergent, d’abord l’inconnu qui avait ouvert la porte, et, ensuite, ce moine qui avait empêché ses gens d’empoigner au bon moment le rebelle. Corignan et Rascasse complices de Trencavel !…

Rascasse ? Parbleu ! Rascasse, enflammé par la jalousie, s’était précipité sur l’un des nombreux spectateurs qui, de loin, regardaient la scène ; il l’avait poussé contre le mur en lui disant : « Au nom du roi, mon ami, au nom du cardinal ! » – Le bourgeois, ahuri, s’était laissé faire et avait servi de vivante échelle à l’espion qui escalada le mur, se laissa retomber de l’autre côté, bondit jusqu’à la porte et tira le verrou… En voyant Trencavel débouler dans le jardin, l’avorton grogna :

« Frocard du diable, viens me le prendre maintenant ! »

Il se hâta de refermer la porte, se retourna et poussa un cri de fureur : Corignan était là !…

*

* *

Il est nécessaire que nous disions ici ce que devenaient Mauluys et Montariol. On a vu qu’au moment où ils furent séparés de Trencavel, le comte et le prévôt furent rejetés dans la direction de la rue Saint-Martin par le gros de la bande que commandait Saint-Priac.

L’assaut fut effrayant. L’horreur passa sur ce groupe échevelé, hérissé d’acier, d’où jaillissaient des éclairs et dont quelques jurons brefs ne faisaient qu’accentuer le silence. En quelques instants, Montariol et Mauluys furent couverts de sang. Ils allaient succomber. Montariol ne s’en apercevait pas : il voulait tuer. Mauluys le saisit par un bras et l’entraîna.

« Non ! rugit le prévôt :

– Pour le rejoindre ! » dit Mauluys.

Tous deux d’un bond, se mirent hors la bagarre.

« Ils fuient ! Ils fuient ! hurlèrent les gardes.

– En avant ! » vociféra Saint-Priac.

Toute la bande s’élança. Les deux poursuivis contournèrent l’îlot de maisons dont faisait partie l’hôtel de Lespars et retombèrent dans la rue Courteau et de là dans la rue Sainte-Avoye. Lorsqu’ils furent arrivés à leur point de départ, c’est-à-dire à l’angle de la rue des Vieilles-Haudriettes, la troupe de Saint-Priac était loin derrière eux – mais ils ne retrouvèrent plus Trencavel !…

Ils se dirigèrent droit sur la rue des Quatre-Fils. En passant devant son hôtel, Mauluys saisit Montariol par le bras et vivement l’entraîna à l’intérieur. Le prévôt se laissa tomber sur un fauteuil, la tête dans les deux mains. Mauluys ouvrit un bahut et, du tiroir de gauche, sortit une large lettre scellée d’un cachet rouge… La lettre !… La lettre qu’il avait signalée à Trencavel !… Quelle lettre ?… Il murmura :

« Je donnerais cinq ans de ma vie pour savoir ce qui est écrit là. »

Il médita longtemps. Une heure peut-être. Il se retourna tout à coup comme s’il eût pris une résolution. Et ce qu’il venait de décider, il voulait sans doute le communiquer à Montariol – lui demander son avis, peut-être. Il ne vit plus le prévôt… Montariol n’était plus là.

Le comte de Mauluys déposa la lettre et se mit à se promener lentement dans la chambre.

« Vous feriez mieux de l’ouvrir », dit une voix aigre.

Le comte se retourna et, dans l’encadrement d’une porte donnant sur l’antichambre, vit un homme d’une cinquantaine d’années, sec comme un sarment.

« Monsieur Verdure, dit le comte, je vous prie de remarquer que je ne vous donne jamais de conseils et que je ne vous importune jamais de ma présence dans votre chambre. »

Verdure se retira. Mais revenant tout à coup :

« C’est égal, un jour ou l’autre, vous ouvrirez la lettre. Ouvrez-la donc tout de suite ! »

Et, sans attendre la réponse, Verdure disparut. Le comte reprit sa promenade. Mais, à chaque demi-tour, la tache sanglante du cachet rouge lui jetait un appel.

« Comment est-elle là ? songeait Mauluys. Comment et pourquoi l’ai-je prise ? Lorsque nous eûmes délivré le moine, lorsque je me penchai sur lui pour voir s’il était mort, ma main, du premier coup, la rencontra. Je la pris et la mis dans mon pourpoint. Et la voici. Pourquoi l’ai-je prise ? À quel mouvement ai-je obéi ? Que penserait-elle de moi, oui, que penserait-elle, si elle savait que j’ai pris une lettre ? Et que pensé-je de moi-même ?… »

Elle ! Il y avait donc une femme dont l’opinion intéressait Mauluys, lui qui ne s’inquiétait du sentiment de qui que ce fût au monde en ce qui regardait sa pensée ou son acte ?

Mauluys se rapprocha du bahut, reprit la lettre et contempla le cachet.

« Armoiries de Richelieu, murmura-t-il. Voici maintenant la question : cette lettre que j’ai volée contient-elle un secret qui vaille la vie d’un homme ? – Est-il bien certain que Richelieu, en échange, me rendrait Trencavel ? – Pour le savoir, il faut que je lise une lettre qui n’est pas à moi, c’est-à-dire que je vole la pensée d’un autre. »

Tel était le débat qui s’agitait. Débat terrible – pour un esprit tel que celui de Mauluys.

Il était environ dix heures du soir. Mauluys était immobile au milieu de sa chambre. La nuit était noire. Tout à coup, il se leva du fauteuil où il était assis et alluma un flambeau. Sans hâte, il retourna au bahut et saisit la lettre. Il allait l’ouvrir ! À ce moment, un bruit de pas rapides ! La porte s’ouvrit. Montariol parut, les yeux fulgurants de joie.

« Trencavel n’a pas été tué !

– Ah ! ah ! » fit tranquillement le comte.

Et il remit la lettre intacte dans le tiroir.

« Il n’est même pas arrêté.

– Je m’en doutais », dit Mauluys.

Et il referma le bahut.

Share on Twitter Share on Facebook