I

Celle qui m’aime est-elle grande dame, toute de soie, de dentelles et de bijoux, rêvant à nos amours, sur le sofa d’un boudoir ? marquise ou duchesse, mignonne et légère comme un rêve, traînant languissamment sur les tapis les flots de ses jupes blanches et faisant une petite moue plus douce qu’un sourire ?

Celle qui m’aime est-elle grisette pimpante, trottant menu, se troussant pour sauter les ruisseaux, quêtant d’un regard l’éloge de sa jambe fine ? Est-elle la bonne fille qui boit dans tous les verres, vêtue de satin aujourd’hui, d’indienne grossière demain, trouvant dans les trésors de son cœur un brin d’amour pour chacun ?

Celle qui m’aime est-elle l’enfant blonde s’agenouillant pour prier au côté de sa mère ? la vierge folle m’appelant le soir dans l’ombre des ruelles ? Est-elle la brune paysanne qui me regarde au passage et qui emporte mon souvenir au milieu des blés et des vignes mûres ? la pauvresse qui me remercie de mon aumône ? la femme d’un autre, amant ou mari, que j’ai suivie un jour et que je n’ai plus revue ?

Celle qui m’aime est-elle fille d’Europe, blanche comme l’aube ? fille d’Asie, au teint jaune et doré comme un coucher de soleil ? ou fille du désert, noire comme une nuit d’orage ?

Celle qui m’aime est-elle séparée de moi par une mince cloison ? est-elle au delà des mers ? est-elle au delà des étoiles ?

Celle qui m’aime est-elle encore à naître ? est-elle morte il y a cent ans ?

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