X

....................................................

– « Voici, me dit-elle, je suis pauvre, je fais ce que je peux pour manger. L’hiver dernier, je passais quinze heures courbé sur un métier, et je n’avais pas du pain tous les jours. Au printemps, j’ai jeté mon aiguille par la fenêtre. Je venais de trouver une occupation moins fatigante et plus lucrative.

« Je m’habille chaque soir de mousseline blanche. Seule dans une sorte de réduit, appuyée au dossier d’un fauteuil, j’ai pour tout travail à sourire depuis six heures jusqu’à minuit. De temps à autre, je fais une révérence, j’envoie un baiser dans le vide. On me paye cela trois francs par séance.

« En face de moi, derrière une petite vitre enchâssée dans la cloison, je vois sans cesse un œil qui me regarde. Il est tantôt noir, tantôt bleu. Sans cet œil, je serais parfaitement heureuse ; il gâte le métier. Par moments, à le rencontrer toujours seul et fixe, il me prend de folles terreurs ; je suis tentée de crier et de fuir.

« Mais il faut bien travailler pour vivre. Je souris, je salue, j’envoie un baiser. À minuit, j’efface mon rouge et je remets ma robe d’indienne. Bah ! que de femmes, sans y être forcées, font ainsi les gracieuses devant un mur. »

Share on Twitter Share on Facebook