XI

Un homme d’esprit s’égara dans la forêt. Il était en compagnie d’un homme savant.

L’homme d’esprit faisait de profondes remarques sur l’humidité malsaine des bois, et parlait des beaux champs de luzerne qu’on obtiendrait en coupant tous ces grands vilains arbres.

L’homme savant rêvait de se faire un nom dans les sciences en découvrant quelque plante encore inconnue. Il furetait dans tous les coins, et découvrait des orties et du chiendent.

Arrivés au bord de la source, ils trouvèrent le cadavre de Simplice. Le prince souriait dans le sommeil de la mort. Ses pieds s’abandonnaient au flot, sa tête reposait sur le gazon de la rive. Il pressait sur ses lèvres, à jamais fermées, une petite fleur blanche et rose, d’une exquise délicatesse et d’un parfum pénétrant.

– Le pauvre fou ! dit l’homme d’esprit, il aura voulu cueillir un bouquet, et se sera noyé.

L’homme savant se souciait peu du cadavre. Il s’était emparé de la fleur, et sous prétexte de l’étudier, il en déchirait la corolle. Puis, lorsqu’il l’eut mise en pièces :

– Précieuse trouvaille ! s’écria-t-il. Je veux, en souvenir de ce niais, nommer cette fleur Anthapheleia limnaia.

Ah ! Ninette, Ninette, mon idéale Fleur-des-eaux, le barbare la nommaitAnthapheleia limnaia !

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