Le vœu d’une morte

Emile Zola

roman

La Bibliothèque électronique du Québec

Collection À tous les vents

Volume 102 : version 2.0

Cinq titres précèdent le cycle des Rougon-Macquart : La confession de Claude (1865), Le vœu d'une morte (1866), Les mystères de Marseille (1867), Thérèse Raquin (1867) et Madeleine Férat (1868).

Le vœu d’une morte

Édition de référence :

« Œuvres complètes illustrées »

Paris, Bibliothèque-Charpentier,

Eugène Fasquelle, éditeur, 1906.

Ce roman de ma jeunesse, publié en 1867, était le seul de tous mes livres qui restait épuisé, et dont je refusais de laisser paraître une nouvelle édition.

Je me décide à le rendre au public, non pour son mérite, certes, mais pour la comparaison intéressante que les curieux de littérature pourront être tentés de faire un jour, entre ces premières pages et celles que j’ai écrites plus tard.

Émile Zola.

Médan, le 1er septembre 1889

Vers la fin de 1831, on lisait le fait divers suivant dans le Sémaphore, de Marseille :

« Un incendie a dévoré hier soir plusieurs maisons du petit village de Saint-Henri. La lueur des flammes, qui se reflétaient toutes rouges dans la mer, a été vue de notre ville, et les personnes qui se trouvaient sur les rochers d’Endoume ont pu assister à un spectacle effrayant et grandiose.

« Les détails précis nous manquent encore. On signale plusieurs traits de courage. Nous nous contenterons, pour aujourd’hui, de raconter un des épisodes poignants de ce sinistre.

« Une maison s’est enflammée si subitement par les parties basses, qu’il a été impossible de porter le moindre secours aux habitants. On a entendu ces malheureux hurler d’épouvante et de douleur.

« Tout d’un coup, une femme s’est montrée à une des fenêtres, tenant un jeune enfant entre les bras. D’en bas, on apercevait sa robe qui commençait à brûler. Le visage terrible, les cheveux dénoués, elle regardait devant elle, comme frappée de folie. Puis, les flammes ont monté rapidement le long de ses jupes, et alors, fermant les yeux, serrant étroitement l’enfant contre sa poitrine, elle s’est précipitée d’un bond par la fenêtre.

« Quand on est venu pour les relever, la mère avait le crâne brisé, mais l’enfant vivait encore, et tendait ses petites mains en pleurant, pour échapper à l’étreinte terrible de la morte.

« On nous assure que cet enfant, qui n’a plus un seul parent au monde vient d’être adopté par une toute jeune fille, dont nous ignorons le nom, et qui appartient à la noblesse du pays. Un tel acte n’a pas besoin d’être loué. »

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