IV

Nous étions arrivés en face d’un large talus, sur lequel le soleil tombait droit, avec des chaleurs lourdes. Ninon s’approcha de ce talus, décidée à ne plus chercher ensuite. Brusquement, elle poussa un cri aigu. J’accourus, effrayé, croyant qu’elle s’était blessée. Je la trouvai accroupie ; l’émotion l’avait assise par terre, et elle me montrait du doigt une petite fraise, à peine grosse comme un pois, mûre d’un côté seulement.

– Cueille-la, toi, me dit-elle d’une voix basse et caressante.

Je m’étais assis près d’elle, au bas du talus.

– Non, répondis-je, c’est toi qui l’as trouvée, c’est toi qui dois la cueillir.

– Non, fais-moi ce plaisir, cueille-la.

Je me défendis tant et si bien que Ninon se décida enfin à couper la tige de son ongle. Mais ce fut une bien autre histoire, quand il fallut savoir lequel de nous deux mangerait cette pauvre petite fraise qui nous coûtait une bonne heure de recherches. À toute force, Ninon voulait me la mettre dans la bouche. Je résistai fermement ; puis, je finis par faire des concessions, et il fut arrêté que la fraise serait partagée en deux.

Elle la mit entre ses lèvres, en me disant avec un sourire :

– Allons, prends ta part.

Je pris ma part. Je ne sais si la fraise fut partagée fraternellement. Je ne sais même si je goûtai à la fraise, tant le miel du baiser de Ninon me parut bon.

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