Chapitre premier Des diverses especes de Singes, & de leur adresse.

Sur la Côte d’Or, ou Pays des Noirs, on trouve beaucoup de Singes & Marmots. Il y en a qui ont la tête noire, la barbe blanche, la peau mouchetée, le dos marqué de grosses rayes noires, & la queue toute noire ; il y en a d’autres qui ont le nez blanc. Les negres tendent sur les arbres des piéges à ces Singes, dans lesquels ils donnent lorsqu’ils y montent, ou qu’ils en descendent. Dans les déserts qui sont proche du Zahara, il y a quantité de Singes qui se tiennent dans les endroits où il y a des arbres & des marais ; ils ont beaucoup de malice, & de disposition à imiter ce qu’ils voyent faire. On y en voit de plusieurs especes. Ceux qu’on appelle Gatos-Paules & Guenons, ressemblent le plus à l’homme que ceux qu’on appelle Segouins : les Gatos-Paules sont ainsi appellés par les Espagnols & par les Portugais à cause qu’ils ont le poil de la couleur d’un chat sauvage : ils ont de longues queues, & le museau blanc. Les Guenons que les Afriquains appellent Babouins, ont beaucoup plus d’esprit & de malice que les Segouins qui sont fort communs en Brésil.

Les Singes se nourrissent d’herbe, de grains, de fruits : ils vont au fourage avec adresse & précaution ; ils ne vont presque jamais au pillage que par troupes & qu’après que quelques uns ont grimpé sur les arbres, ou des hauteurs pour y faire sentinelle, par un effet de leur instinct. Lorsqu’ils découvrent quelqu’un, ils crient & sautent en même-tems pour obliger les fourageurs à prendre la fuite à leur exemple. Ils font plus de dégât par ce qu’ils dissipent, que par ce qu’ils mangent ou emportent : ces Animaux sont sujets au cours de la Lune. Quand elle est sur la fin de son cours, ils sont tristes. Leur activité naturelle se rallentit ; mais lorsqu’elle est nouvelle, & qu’elle entre dans son premier Quartier, leur ardeur se réveille, & ils ne font que sauter. La chasse en est plaisante : on se sert du penchant qu’ils ont à vouloir tout contrefaire ; les Chasseurs ont des bas faits exprès qu’ils font semblant de mettre aux jambes, & de les en ôter en leur présence : ensuite ils se retirent & laissent les bas en des endroits fort exposés : les Singes ne manquent pas de se venir chausser, & alors les Chasseurs voyant que les bas les empêchent de se sauver, les surprennent aisément. On se sert encore de cette ruse ; on fait semblant de se laver les yeux au bord de l’eau en leur présence, pour obliger les Singes de faire de même, ce qui réussit heureusement. Car ces Animaux ne se sont pas plutôt lavés les yeux qu’ils ont la vûe trouble, & sont ainsi à la discrétion des Chasseurs.

Le long de la Côte de Sierra Liona, il y a plusieurs Isles, où l’on trouve des Singes d’une certaine espece qu’on nomme Baris ; on les prend étant fort petits ; on les éleve, & on les apprivoise si bien qu’ils rendent presqu’autant de service qu’un Esclave : car ils marchent ordinairement tout droits comme des hommes, pilent du millet dans un mortier, vont puiser de l’eau dans une cruche, témoignent de la douleur par leurs cris, lorsqu’elle vient à tomber, savent tourner la broche, & faire mille petits tours qui divertissent extrêmement leurs maîtres .

C’est une chose admirable de les voir fuir : car les femelles portent sur leurs dos quatre ou cinq de leurs petits, & ne laissent pas avec cela de faire de grands sauts de branche en branche.

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