CCXXII NUIT.

« Le capitaine, dit Sindbad, après m’avoir fort attentivement considéré, me reconnut enfin : « Dieu soit loué ! s’écria-t-il en m’embrassant : je suis ravi que la fortune ait réparé ma faute. Voilà vos marchandises, que j’ai toujours pris soin de conserver et de faire valoir dans tous les ports où j’ai abordé ; je vous les rends avec le profit que j’en ai tiré. » Je les pris en témoignant au capitaine toute la reconnaissance que je lui devais.

« De l’île de Salahat, nous allâmes à une autre où je me fournis de clous de girofle, de cannelle et d’autres épiceries. Quand nous nous en fûmes éloignés, nous vîmes une tortue qui avait vingt coudées en longueur et en largeur ; nous remarquâmes aussi un poisson qui tenait de la vache : il avait du lait, et sa peau est d’une si grande dureté qu’on en fait ordinairement des boucliers ; j’en vis un autre qui avait la figure et la couleur d’un chameau. Enfin, après une longue navigation, j’arrivai à Balsora, et de là je revins en cette ville de Bagdad avec tant de richesses, que j’en ignorais la quantité. J’en donnai encore aux pauvres une partie considérable, et j’ajoutai d’autres grandes terres à celles que j’avais déjà acquises. »

Sindbad acheva ainsi l’histoire de son troisième voyage. Il fit donner ensuite cent autres sequins à Hindbad, en l’invitant au repas du lendemain et au récit du quatrième voyage. Hindbad et la compagnie se retirèrent, et le jour suivant, comme ils étaient revenus, Sindbad prit la parole sur la fin du dîner, et continua ses aventures.

QUATRIÈME VOYAGE DE SINDBAD LE MARIN.#id___RefHeading___Toc136962337

« Les plaisirs, dit-il, et les divertissements que je pris après mon troisième voyage n’eurent pas des charmes assez puissants pour me déterminer à ne pas voyager davantage. Je me laissai encore entraîner à la passion de trafiquer et de voir des choses nouvelles. Je mis donc ordre à mes affaires, et ayant fait un fonds de marchandises de débit dans les lieux où j’avais dessein d’aller, je partis. Je pris la route de la Perse, dont je traversai plusieurs provinces, et j’arrivai à un port de mer où je m’embarquai. Nous mîmes à la voile, et nous avions déjà touché à plusieurs ports de terre ferme et à quelques îles orientales, lorsque, faisant un jour un grand trajet, nous fûmes surpris d’un coup de vent qui obligea le capitaine à faire amener les voiles et à donner tous les ordres nécessaires pour prévenir le danger dont nous étions menacés. Mais toutes nos précautions furent inutiles : la manœuvre ne réussit pas bien, les voiles furent déchirées en mille pièces, et le vaisseau, ne pouvant plus être gouverné, donna sur une sèche et se brisa de manière qu’un grand nombre de marchands et de matelots se noyèrent, et que la charge périt. »

Scheherazade en était là quand elle vit paraître le jour. Elle s’arrêta et Schahriar se leva. La nuit suivante, elle reprit ainsi le quatrième voyage :

Share on Twitter Share on Facebook