Vincent van Gogh, le suicidé de la société

Antonin Artaud

1947

La peinture linéaire pure me rendait fou depuis longtemps lorsque j’ai rencontré Van Gogh qui peignait, non pas des lignes ou des formes, mais des choses de la nature inerte comme en pleines convulsions. Et inerte. Comme sous le terrible coup de boutoir de cette force d’inertie dont tout le monde parle à mots couverts, et qui n’est jamais devenue si obscure que depuis que toute la terre et la vie présente se sont mêlées de l’élucider. Or, c’est de son coup de massue, vraiment de son coup de massue que Van Gogh ne cesse de frapper toutes les formes de la nature et les objets. Cardés par le clou de Van Gogh, les paysages montrent leur chair hostile, la hargne de leurs replis éventrés, que l’on ne sait quelle force étrange est, d’autre part, en train de métamorphoser.

Une exposition de tableaux de Van Gogh est toujours une date dans l’histoire, non dans l’histoire des choses peintes, mais dans l’histoire historique tout court. Car il n’y a pas de famine, d’épidémie, d’explosion de volcan, de tremblement de terre, de guerre, qui rebroussent les monades de l’air, qui tordent le cou à la figure torve de fama fatum, le destin névrotique des choses, comme une peinture de Van Gogh, – sortie au jour, remise à même la vue, l’ouïe, le tact, l’arôme, sur les murs d’une exposition, – enfin lancée à neuf dans l’actualité courante, réintroduite dans la circulation. Il n’y a pas dans la dernière exposition Van Gogh, au Palais de l’Orangerie, toutes les très grandes toiles du malheureux peintre. Mais il y a parmi celles qui sont là, assez de défilés giratoires constellés de touffes de plantes de carmin, de chemins creux surmontés d’un if, de soleils violacés tournant sur des meules de blé d’or pur, de Père Tranquille et de portraits de Van Gogh par Van Gogh, pour rappeler de quelle sordide simplicité d’objets, de personnes, de matériaux, d’éléments, Van Gogh a tiré ces espèces de chants d’orgue, ces feux d’artifice, ces épiphanies atmosphériques, ce « grand œuvre » enfin d’une sempiternelle et intempestive transmutation.

Ces corbeaux peints deux jours avant sa mort ne lui ont, pas plus que ses autres toiles, ouvert la porte d’une certaine gloire posthume, mais ils ouvrent à la peinture peinte, ou plutôt à la nature non peinte, la porte occulte d’un au-delà possible, d’une réalité permanente possible, à travers la porte par Van Gogh ouverte d’un énigmatique et sinistre au-delà. Il n’est pas ordinaire de voir un homme, avec, dans le ventre, le coup de fusil qui le tua, fourrer sur une toile des corbeaux noirs avec au-dessous une espèce de plaine livide peut-être, vide en tout cas, où la couleur lie-de-vin de la terre s’affronte éperdument avec le jaune sale des blés. Mais nul autre peintre que Van Gogh n’aura su comme lui trouver, pour peindre ses corbeaux, ce noir de truffes, ce noir « de gueuleton riche » et en même temps comme excrémentiel des ailes des corbeaux surpris par la lueur descendante du soir.

Et de quoi en bas se plaint la terre sous les ailes des corbeaux fastes, fastes pour le seul Van Gogh sans doute et, d’autre part, fastueux augure d’un mal qui, lui, ne le touchera plus ? Car nul jusque-là n’avait comme lui fait de la terre ce linge sale, tordu de vin et de sang trempé. Le ciel du tableau est très bas, écrasé, violacé, comme des bas-côtés de foudre. La frange ténébreuse insolite du vide montant d’après l’éclair. Van Gogh a lâché ses corbeaux comme les microbes noirs de sa rate de suicidé à quelques centimètres du haut et comme du bas de la toile, suivant la balafre noire de la ligne où le battement de leur plumage riche fait peser sur le rebrassement de la tempête terrestre les menaces d’une suffocation d’en-haut. Et pourtant tout le tableau est riche. Riche, somptueux et calme le tableau. Digne accompagnement à la mort de celui qui, durant sa vie, fit tournoyer tant de soleils ivres sur tant de meules en rupture de bans, et qui, désespéré, un coup de fusil dans le ventre, ne sut pas ne pas inonder de sang et de vin un paysage, tremper la terre d’une dernière émulsion, joyeuse à la fois et ténébreuse, d’un goût de vin aigre et de vinaigre taré. C’est ainsi que le ton de la dernière toile peinte par Van Gogh est, lui qui, d’autre part, n’a jamais dépassé la peinture, d’évoquer le timbre abrupt et barbare du drame Élisabéthain le plus pathétique, passionnel et passionné. C’est ce qui me frappe le plus dans Van Gogh, le plus peintre de tous les peintres et qui, sans aller plus loin que ce qu’on appelle et qui est la peinture, sans sortir du tube, du pinceau, du cadrage du motif et de la toile pour recourir à l’anecdote, au récit, au drame, à l’action imagée, à la beauté intrinsèque du sujet ou de l’objet, est arrivé à passionner la nature et les objets de telle sorte que tel fabuleux conte d’Edgar Poe, d’Herman Melville, de Nathanaël Hawthorne, de Gérard de Nerval, d’Achim Arnim ou d’Hoffmann, n’en dit pas plus long sur le plan psychologique et dramatique que ses toiles de quatre sous. Ses toiles presque toutes, d’ailleurs, et comme par un fait exprès, de médiocres dimensions.

Un bougeoir sur une chaise, un fauteuil de paille verte tressée, un livre sur le fauteuil, et voilà le drame éclairé. Qui va entrer ? Sera-ce Gauguin ou un autre fantôme ?

Le bougeoir allumé sur le fauteuil de paille indique, paraît-il, la ligne de démarcation lumineuse qui sépare les deux individualités antagonistes de Van Gogh et de Gauguin. L’objet esthétique de leur dispute n’offrirait, si on le racontait, pas grand intérêt peut-être, mais il devait indiquer entre les deux natures de Van Gogh et de Gauguin une scission humaine de fond. Je crois que Gauguin pensait que l’artiste doit rechercher le symbole, le mythe, agrandir les choses de la vie jusqu’au mythe, alors que Van Gogh pensait qu’il faut savoir déduire le mythe des choses les plus terre-à-terre de la vie. En quoi je pense, moi, qu’il avait foutrement raison. Car la réalité est terriblement supérieure à toute histoire, à toute fable, à toute divinité, à toute surréalité. Il suffit d’avoir le génie de savoir l’interpréter. Ce qu’aucun peintre avant le pauvre Van Gogh n’avait fait, ce qu’aucun peintre ne fera plus après lui, car je crois que cette fois-ci, aujourd’hui même, maintenant, en ce mois de février 1947, c’est la réalité elle-même, le mythe de la réalité même, la réalité mythique elle-même, qui est en train de s’incorporer. Ainsi, nul depuis Van Gogh n’aura su remuer la grande cymbale, le timbre supra-humain, perpétuellement supra-humain suivant l’ordre refoulé duquel les objets de la vie réelle sonnent, lorsqu’on a su avoir l’oreille assez ouverte pour comprendre la levée de leur mascaret. C’est ainsi que la lumière du bougeoir sonne, que la lumière du bougeoir allumé sur le fauteuil de paille verte sonne comme la respiration d’un corps aimant devant le corps d’un malade endormi. Elle sonne comme une étrange critique, un profond et surprenant jugement dont il semble bien que Van Gogh puisse nous permettre de présumer la sentence plus tard, beaucoup plus tard, au jour où la lumière violette du fauteuil de paille aura achevé de submerger le tableau. Et on ne peut pas ne pas remarquer cette coupure de lumière lilas qui mange les barreaux du grand fauteuil torve, du vieux fauteuil écarquillé de paille verte, bien qu’on ne puisse pas tout de suite la remarquer. Car le foyer en est comme placé ailleurs et sa source étrangement obscure, comme un secret dont le seul Van Gogh aurait, sur lui-même, gardé la clef.

Si Van Gogh n’était pas mort à trente-sept ans, je n’en appellerais pas à la Grande Pleureuse pour me dire de quels suprêmes chefs-d’œuvre la peinture eût été enrichie, car je ne peux pas, après les « Corbeaux », me résoudre à croire que Van Gogh eût peint un tableau de plus. Je pense qu’il est mort à trente-sept ans parce qu’il était, hélas, arrivé au bout de sa funèbre et révoltante histoire de garrotté d’un mauvais esprit. Car ce n’est pas de lui, du mal de sa folie propre, que Van Gogh a quitté la vie. C’est sous la pression du mauvais esprit qui, à deux jours de sa mort, s’appela le Docteur Gachet, improvisé psychiatre, et qui fut la cause directe, efficace et suffisante de sa mort. J’ai acquis, en lisant les lettres de Van Gogh à son frère, la conviction ferme et sincère que le Docteur Gachet, « psychiatre », détestait en réalité Van Gogh, peintre, et qu’il le détestait comme peintre, mais par-dessus tout comme génie. Il est à peu près impossible d’être médecin et honnête homme, mais il est crapuleusement impossible d’être psychiatre sans être en même temps marqué au coin de la plus indiscutable folie : celle de ne pouvoir lutter contre ce vieux réflexe atavique de la tourbe et qui fait, de tout homme de science pris à la tourbe, une sorte d’ennemi né et inné de tout génie.

La médecine est née du mal, si elle n’est pas née de la maladie, et si elle a, au contraire, provoqué et créé de toutes pièces la maladie pour se donner une raison d’être : mais la psychiatrie est née de la tourbe populacière des êtres qui ont voulu conserver le mal à la source de la maladie et qui ont ainsi extirpé de leur propre néant une espèce de garde suisse pour saquer à sa base l’élan de rébellion revendicatrice qui est à l’origine du génie. Il y a dans tout dément un génie incompris dont l’idée qui luisait dans sa tête fit peur, et qui n’a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparés la vie.

Le Docteur Gachet ne disait pas à Van Gogh qu’il était là pour redresser sa peinture (comme je me suis entendu dire par le Docteur Gaston Ferdière, médecin-chef de l’asile de Rodez, qu’il était là pour redresser ma poésie), mais il l’envoyait peindre sur le motif, s’enterrer dans un paysage pour échapper au mal de penser. Seulement, dès que Van Gogh avait tourné la tête, le Docteur Gachet lui fermait le commutateur de la pensée. Comme sans penser à mal, mais par un de ces plis du nez dépréciatifs d’un anodin quelque chose où tout l’inconscient bourgeois de la terre a inscrit la vieille force magique d’une pensée cent fois refoulée. Ce n’est pas seulement le mal du problème que ce faisant le Docteur Gachet lui interdisait, mais le semis soufré, l’affre du clou tournant dans le gosier de l’unique passage, avec quoi Van Gogh, tétanisé, Van Gogh, en porte-à-faux sur le gouffre du souffle, peignait. Car Van Gogh était une terrible sensibilité. Il n’y a, pour s’en convaincre, qu’à regarder sa figure, toujours comme pantelante, et aussi, par certains côtés, ensorcelante, de boucher. Comme d’un antique boucher assagi et maintenant retiré des affaires, cette figure mal éclairée me poursuit. Van Gogh s’est représenté lui-même dans un très grand nombre de toiles et si bien éclairées qu’elles fussent, j’ai toujours eu cette pénible impression qu’on les avait fait mentir sur la lumière, qu’on avait enlevé à Van Gogh une lumière indispensable pour creuser et se tracer sa route en lui. Et cette route, ce n’était pas le Docteur Gachet, certes, qui était capable de la lui indiquer. Mais, je l’ai dit, il y a dans tout psychiatre vivant un répugnant et sordide atavisme qui lui fait voir dans chaque artiste, dans tout génie, devant lui, un ennemi. Et je sais que le Docteur Gachet a laissé dans l’histoire, en face de Van Gogh qu’il soignait et qui finit par se suicider chez lui, le souvenir de son dernier ami sur terre, d’une espèce de providentiel consolateur.

Je pense pourtant plus que jamais que c’est au Docteur Gachet, d’Auvers-sur-Oise, que Van Gogh a dû, ce jour-là, le jour où il s’est suicidé à Auvers-sur-Oise, a dû, dis-je, de quitter la vie, – car Van Gogh était une de ces natures d’une lucidité supérieure qui leur permet, en toutes circonstances, de voir plus loin, infiniment et dangereusement plus loin que le réel immédiat et apparent des faits. Je veux dire de la conscience que la conscience a pour habitude d’en garder. Au fond de ses yeux comme épilés de boucher, Van Gogh se livrait sans désemparer à l’une de ces opérations d’alchimie sombre qui ont pris la nature pour objet et le corps humain pour marmite ou creuset. Et je sais que le Docteur Gachet trouvait toujours que ça le fatiguait. Ce qui n’était pas chez lui l’effet d’un souci médical simple, mais l’aveu d’une jalousie aussi consciente qu’inavouée.

C’est que Van Gogh en était arrivé à ce stade de l’illuminisme, où la pensée en désordre reflue devant les décharges envahissantes de la matière, et où penser, n’est plus s’user, et n’est plus, et où il ne reste que de ramasser corps, je veux dire ENTASSER DES CORPS.

Ce n’est plus le monde de l’astral, c’est celui de la création directe qui est repris ainsi par-delà la conscience et le cerveau. Et je n’ai jamais vu qu’un corps sans cerveau ait été fatigué par d’inertes trumeaux. Trumeaux de l’inerte ces ponts, ces tournesols, ces ifs, ces cueillettes d’olives, ces fenaisons. Elles ne bougent plus. Elles sont figées. Mais qui pourrait les rêver plus dures sous le coup de tranchoir à vif qui en a descellé l’impénétrable tressaillement. Non, un trumeau, Docteur Gachet, n’a jamais fatigué personne. Ce sont des forces de forcené qui reposent sans faire bouger. Je suis aussi comme le pauvre Van Gogh, je ne pense plus, mais je dirige chaque jour de plus près de formidables ébullitions internes et il ferait beau voir qu’une médecine quelconque vienne me reprocher de me fatiguer.

On devait à Van Gogh une certaine somme d’argent au sujet de laquelle nous raconte l’histoire : Van Gogh, depuis plusieurs jours déjà, se fabriquait un mauvais sang. C’est la pente des hautes natures, toujours d’un cran au-dessus du réel, de tout expliquer par la mauvaise conscience, de croire que rien jamais n’est dû au hasard et que tout ce qui arrive de mal arrive par l’effet d’une mauvaise volonté consciente, intelligente et concertée. Ce que les psychiatres ne croient jamais. Ce que les génies croient toujours. Quand je suis malade, c’est que je suis envoûté, et je ne peux pas me croire malade si je ne crois pas, d’autre part, que quelqu’un a intérêt à m’enlever la santé et profite de ma santé. Van Gogh aussi croyait qu’il était envoûté, et il le disait. Et moi, je crois pertinemment qu’il l’était et je dirai par où et comment un jour. Et le Docteur Gachet fut ce grotesque cerbère, ce sanieux et purulent cerbère, veste d’azur et linge haut-glacé, mis devant le pauvre Van Gogh pour lui enlever toutes ses saines idées. Car si cette manière de voir qui est saine était répandue unanimement, la Société ne pourrait plus vivre, mais je sais quels sont les héros de la terre qui y trouveraient leur liberté. Van Gogh ne sut pas secouer à temps cette espèce de vampirisme de la famille intéressée à ce que le génie de Van Gogh peintre s’en tînt à peindre, sans en même temps réclamer la révolution indispensable à l’épanouissement corporel et physique de sa personnalité d’illuminé. Et il y eut entre le Docteur Gachet et Théo le frère de Van Gogh combien de ces conciliabules puants des familles avec les médecins-chefs des asiles d’aliénés, au sujet du malade qu’ils leur ont amené.

— Surveillez-le, qu’il n’ait plus toutes ces idées ; tu entends, le Docteur l’a dit, il faut perdre toutes ces idées ; ça te fait du mal, si tu continues à y penser, tu resteras interné à vie.

— Mais non, Monsieur Van Gogh, revenez à vous-même, voyons, c’est le hasard, et puis il ne fut jamais bon de vouloir regarder ainsi dans les secrets de la Providence. Je connais Monsieur Un Tel, c’est un très brave homme, c’est votre esprit de persécution qui vous reprend de croire qu’il fait ainsi de la magie en secret.

— On vous a promis de vous payer cette somme, on vous la paiera. Vous ne pouvez pas continuer ainsi de vous obstiner à attribuer ce retard à de la mauvaise volonté.

Ce sont là de ces douces conversations de psychiatre bonhomme qui n’ont l’air de rien, mais laissent sur le cœur comme la trace d’une petite langue noire, la petite langue noire anodine d’une salamandre empoisonnée. Et il n’en faut pas plus quelque fois pour amener un génie à se suicider. Il arrive des jours où le cœur sent si terriblement l’impasse, qu’il en prend comme un coup de bambou sur la tête, cette idée qu’il ne pourra plus passer. Car c’est pourtant bien après une conversation avec le Docteur Gachet que Van Gogh, comme si de rien n’était, est rentré dans sa chambre et s’est suicidé. J’ai passé neuf ans moi-même dans un asile d’aliénés et je n’ai jamais eu l’obsession du suicide, mais je sais que chaque conversation avec un psychiatre, le matin, à l’heure de la visite, me donnait l’envie de me pendre, sentant que je ne pourrai pas l’égorger. Et Théo était peut-être matériellement très bon pour son frère, mais cela n’empêche qu’il le croyait délirant, illuminé, halluciné, et s’évertuait, au lieu de le suivre dans son délire, de le calmer. Qu’il soit mort, après, de regrets, qu’importe ? Ce à quoi Van Gogh tenait le plus au monde était son idée de peintre, sa terrible idée fanatique, apocalyptique d’illuminé. Que le monde devait se ranger sous le commandement de sa matrice à lui, reprendre son rythme compressé, antipsychique d’occulte fête en place publique et, devant tout le monde, remis dans la surchauffe du creuset. Cela veut dire que l’apocalypse, une apocalypse consommée couve à cette heure dans les toiles du vieux Van Gogh martyrisé, et que la terre a besoin de lui pour ruer de la tête et des pieds. Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer. Et j’aime mieux, pour sortir de l’enfer, les natures de ce convulsionnaire tranquille que les grouillantes compositions de Breughel le Vieux ou de Jérôme Bosch qui ne sont, en face de lui, que des artistes, là où Van Gogh n’est qu’un pauvre ignare appliqué à ne pas se tromper. Mais comment faire comprendre à un savant qu’il y a quelque chose de définitivement déréglé dans le calcul différentiel, la théorie des quanta, ou les obscènes et si niaisement liturgiques ordalies de la précession des équinoxes, – de par cet édredon rose crevette que Van Gogh fait si doucement mousser à une place élue de son lit, de par la petite insurrection vert Véronèse, azur trempé de cette barque devant laquelle une blanchisseuse d’Auvers-sur-Oise se relève de travailler, de par aussi ce soleil vissé derrière l’angle gris du clocher du village, en pointe, là-bas, au fond de cette masse énorme de terre qui, au premier plan de la musique, cherche la vague où se congeler.

O VIO PROFE,

O VIO PROTO,

O VIO LOTO,

O THÉTHÉ.

Décrire un tableau de Van Gogh, à quoi bon ! Nulle description tentée par un autre ne pourra valoir le simple alignement d’objets naturels et de teintes auquel se livre Van Gogh lui-même, aussi grand écrivain que grand peintre et qui donne à propos de l’œuvre décrite l’impression de la plus abasourdissante authenticité.

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