XIX FRANÇOIS L’ALLUMETTE

Rien qu’à le raconter il se tenait encore tout chose.

S’il aurait su… Qu’il ne s’attendait pas. Qu’il entrait comme ça pour voir. Qu’il avait faim. Qu’son Mouton, vous savez, il était malade. Qu’avec Zonzon on crevait dans la dèche… Qu’alors un coup à faire…

Qu’c’était dans une église. Qu’il avait pris une chaise. Qu’à genoux, il faisait l’hypocrite. Qu’y gn’avait là-t-une môme. Qu’il la guettait : V’là m’n affaire !

Qu’il s’était glissé tout près. Qu’elle tenait fermées ses mirettes. Que ses cils, y se retroussaient, comme si qu’on avait passé dessus de la pommade. Qu’elle en avait une mignonne de bouche ! Puis un mignon de nez, puis des mignonnes de joues ; qu’on aurait dit-z-un ange. Qu’on voyait bien qu’elle récitait une prière. Qu’elle embaumait la fleur.

Qu’à la flairer, il avait senti remuer quelque chose : qu’on n’a pas toujours été l’Allumette ; qu’on disait « Le petit François » ; qu’on a, comme celle-là, sucé son catéchisse…

Qu’il s’était mis à se bouffer les ongles, comme quand on regrette.

Qu’il était vite à flamber ; que Zonzon, il est vrai, en montrait du fessard : que son Mouton comme pas une s’entendait à vous trousser son homme, mais que celle-ci, acré ! ce n’était pas ces manières !

Qu’elle avait levé les yeux : qu’on voyait là-dedans du bleu, qu’il vint là-dessus le brillant d’une larme. Qu’il avait pensé à des choses… Qu’il avait dit : Bon Dieu serait-y vrai que t’es pas un salaud puisqu’on rencontre de tes anges ?

Qu’en ce moment, elle faisait le manège de celle qui part. Qu’elle fit sonner sa trousse ; qu’il la suivit. Que dans la rue gn’avait personne. Qu’y s’avait dit : François, t’as faim, pense à ton affaire.

Qu’on aurait cru une petite fille. Qu’elle avait en marchant un léger pli dans la hanche. Qu’il n’aurait pas voulu dire : Ce qui bouge là-dessous c’est de la cuisse. Qu’y s’avait répété : Tout de même, François, n’oublie pas ton affaire !

Qu’il avait passé devant. Qu’à prier des larmes, fallait rudement qu’elle se trouvât dans la peine. Qu’il écoutait trotter ses bottines. Qu’il pensait à ses petons ! Qu’il pensait à ses yeux ! ! Qu’il ne trouvait plus sa force, qu’il n’était pas un lâche, qu’y s’avait retourné : Mam’zell… c’est-y qu’à un pauvre vous donneriez l’aumône ?

Qu’elle lui avait donné. Qu’il avait fui comme une bête. Qu’il avait mis ses lèvres dessus. Que c’était un shilling. Qu’on pouvait le voir. Qu’il le garderait toute sa vie. Que c’était le shilling d’un ange. Que mille dieux ! le premier qui rirait, il le lui casserait dans la gueule…

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