1 Des agents de change

Les agents de change ne trouveront pas mauvais, sans doute, que nous ayons donné le pas, sur eux, aux notaires et aux avoués. Ce n’est pas à l’habileté, mais à l’ancienneté que nous avons dû accorder ici la préférence. En effet, depuis quelques années seulement, on a bien compris toute l’importance des agents de change : leurs charges qui ne coûtaient en 1814 qu’une cinquantaine de mille francs, se vendent aujourd’hui un million ; et les gens qui sont à même d’apprécier les ressources de l’industrie, assurent que ce n’est pas trop cher.

La probité et la considération des membres de ce corps financier, se sont sans doute accrues dans la proportion du prix des charges. Un agent de change de 1825 doit être dix-neuf fois plus honnête, plus actif, plus intelligent que son devancier ; aussi joue-t-il vingt fois plus gros jeu, et sa maison, ses équipages, son assurance, se sont-ils accrus dans cette proportion toute apologétique du système décimal.

Messieurs les agents de change sont un de ces bienfaits de la société que l’on est forcé d’accepter, comme les contributions de guerre, les indemnités aux émigrés, etc. Que l’on veuille acheter, vendre, transférer, il faut passer par les mains de l’inévitable compagnie. Le mal n’est pas là ; mais cette compagnie, semblable aux buissons contre lesquels les moutons laissent les flocons de leur blanche laine, dépouille insensiblement l’honnête rentier ; et le revenu d’une inscription transférée vingt fois, se trouve absorbé par les frais.

Le ministère de l’agent de change, comme celui de la plupart des officiers civils, est tout de confiance. Lui remettez-vous dans les mains vos fonds pour qu’il fasse un achat, sans vous donner un reçu, il inscrit le montant du dépôt sur son carnet ; il dit : j’ai acheté à tel cours, il faut s’en rapporter à son dire.

Nous pourrions parler des opérations diverses de bourse et de change ; mais nous ne voulons pas dévoiler le secret de certaines fortunes colossales acquises en trois mois ; nous ne nous rappelons ici ces banqueroutes et ces procès récents, que pour appuyer, sur des craintes salutaires, le conseil que nous donnons à nos bénévoles lecteurs :

« Fuyez les agents de change, ne jouez jamais à la Bourse, si vous avez le malheur d’être rentier. Gardez vos inscriptions, touchez vos semestres, dût M. de Villèle vous réduire aux trois pour cent. »

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