CAUCHEMAR

Le vol sombre et les yeux perdus…

Je vois s’ouvrir la nuit livide

De remords fous et de regret.

Dans tous les chemins où j’irai

Je sentirai ta place vide.

Les flots pâles et lourds en chœur

Chantent l’hymne de la tourmente,

Et je crispe ma main vivante

Sur les battements de mon cœur.

Je vois, pressés dans la pénombre,

Les cavaliers de cauchemar

Qui suivent le grand chef hagard

Brandissant la bannière d’ombre.

Spectre effaré, spectre du mal,

Roi morne, tu fuis d’épouvante

Dans le flot indécis que hante

La crinière de ton cheval !

Ils vont dans un galop suprême

Courbés devant ce que je fus,

Je vois leurs grands gestes confus

Et révoltés sur le ciel blême.

Et je veux leurs remords, je veux

Le silence affreux de leurs râles,

La fixité de leurs yeux pâles

Dans l’ouragan de leurs cheveux.

Oh ! ma douleur n’a pas de cesse ;

Mêlant mes amours et mes deuils,

J’irai rôder dans les écueils

Comme le vent et la tristesse.

Je suis sous le ciel désolé

Les phares tristes sur les grèves,

Je suis le silence des rêves

Parmi le désert étoilé.