NOUS NOUS SOMMES REVUS

Le silence est un pardon

Plus triste.

Nous avons eu le jour et le matin livide

Et le rêve éternel que nous rêvions en vain…

Nous avons eu la vie avec sa place vide

Et le large soleil sans parole et sans pain !

Nous avons eu la paix de toutes les journées ;

Les rêves de voix basse et les repos trop lourds.

Et nous nous en allons avec nos destinées

Et nos yeux désolés se chercheront toujours.

Oh ! que tu dois souffrir tandis que l'ombre rampe,

Que la chambre s’emplit de la pâleur des cieux,

Que le soir indolent en attendant la lampe

Fais toute attente grise auprès des rideaux vieux.

Que t’importe à présent l’espoir crépusculaire,

Assise avec le soir, douce sainte d’amour.

Oh ! tu ne songeais plus à lever ta paupière

Vers le côté divin d’où tombe un peu de jour.

Passons, passons toujours, errons où nous errâmes

Et regardons l’espace à nos yeux étendus,

Pauvres gens isolés dans le parc, pauvres âmes

Qui voulions retrouver le paradis perdu !

Tout est mort, tout est mort, l’azur et l’innocence,

Et ce que veille l’ombre et ce qui nous attend,

Et tout ce qu’on bénit quand on passe en silence

Et tout ce qu’on écoute et tout ce qu’on entend !

Parcourons le vieux parc qui jadis fut le nôtre,

Le parc de vieux étangs, de feuilles et d’amours,

Marchons désespérés et très doux l’un à l’autre…

Oh ! la vie, oh ! le mal de s’en aller toujours !…

TRÈS VIEUX RÊVES

Vivre de joie.

Laissons l’âpre reflux monter de toutes parts.

Laissons l’orage et les cités, — laissons la terre,

Laissons les pays forts au vol traînant des chars.

Quittons les palais d’or et les tombes de marbre,

Allons dans le pays mélancolique et bleu

Où les grands luths d’airain sont suspendus aux arbres.

Là, nous verrons des cieux paisibles et des lacs,

Des collines avec de grands lis aux fleurs droites,

L’eau grise où descend l’ombre immobile des bacs.

Nous verrons des dieux forts et des déesses nues

Troubler dans les bosquets sombres des grands lauriers

Le sommeil nuptial des forêts inconnues.

Dans ce pays divin pâle comme le ciel,

Nous verrons s’attendrir le soleil pacifique

Que nous voulions jeter dans l’azur du réel.

Quand nous aurons marché très longtemps sur ces grèves

Près de l’océan calme et des horizons bleus,

Nous n’aurons pas cessé de regarder nos rêves.

Dans l’extase, l’amour et le recueillement,

Dans la conception d’un idéal unique,

Nos âmes se seront jointes exactement.