I LE POISSON SEC

Parmi la boutique un peu noire,

Reflet morne demi-caché,

Tu n’es, pauvre poisson séché,

Que les lettres de ton histoire.

Te rendrait-on ton cœur amer

Ta vie âpre et dévoratrice,

Quand tu sombrais avec délice

Dans la caresse de la mer ;

Te rendrait-on ton doux sillage,

Monarque fluide aux yeux d’or,

Ton rêve assiégeant et sans bord,

Ta vie, étroit et grand voyage,

Quand même entre tes petits os

Tandis que tu gis sur la planche,

On mettrait en poussière blanche

La grande amertume des eaux !…

Ce matin, j’ai jeté nos lettres

Dans le feu, neuf et clair frisson…

Elle n’a rien dit, la chanson

Qui chantonnait auprès des lettres.

Share on Twitter Share on Facebook