L’ATTENTE

Sans l’éblouissement de la croix…

L’ombre, en s’agrandissant, pauvre femme qui rêve,

Vient mêler doucement dans le déclin du jour

Sa paix à ton grand cœur et son rêve à ton rêve.

Et tu restes bien seule avec tes yeux d’amour,

Indécise, perdue au silence où s’élève

La triste et vieille voix qui chante dans la cour.

Oh ! mendier toujours parmi l’ombre sans digue

Les soleils du passé pour ce soir sans couleur,

Toute la charité pour toute la fatigue,

Lorsque l’ombre revêt de calme la douleur,

Quand le dernier reflet des vitres se fatigue

Sur tes cheveux divins et ton front de pâleur.

Écoute, écoute encor, mendiante d’espace,

Plus loin que le silence et plus profond que tout…

Et c’est l’âme qui pleure et c’est le temps qui passe.

Le temps, le temps sacré qui bénit le cœur fou,

La présence qui fait que l’on parle à voix basse

Dans cette église d’ombre où s’incline ton cou.

Oh ! rêve à la longueur de la tristesse humaine,

Aux vieux palais où va, silencieux, le temps,

À la tranquillité par qui tu devins reine !

Rêve à la profondeur du silence où j’attends,

Aux vieux couples qui vont dans le soleil qui traîne

Et s’aimeront toujours de s’être aimés longtemps.

Ne maudis pas l’attente et les soirs où tu pleures :

Tous les martyrs ont eu leurs infinis chemins

Et tous les grands orgueils sont bénis par les heures.

Puisque l’on devient grand à voir les jours éteints,

Dans la chambre assombrie il faut que tu demeures,

Le crépuscule aux yeux et la paix dans les mains.

Il faut qu’indifférente aux radieux passages,

Toujours seule au milieu de l’ombre et du sommeil,

Tu laisses un à un tomber les grands soirs sages.

Il faut, toi que baigna la gloire du soleil,

Laisser passer sur toi l’après-midi sans âges

Et le soir nimber d’or ton front toujours pareil.

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Pauvre femme qui dors auprès de la fenêtre,

Les mains lasses, le cœur innocent et lointain

Dans le baiser nocturne et frais qui vient de naître,

Frêle douleur que rien n’aura jamais atteint,

Toi que veille l’azur comme un grand dieu sans prêtre,

Repose vaguement du soir jusqu’au matin.

Repose loin de ceux qui ne sont pas avides

D’attente inconsolable et d’azurs décevants,

Ceux du bonheur parfait et de la mer sans rides.

Laissons les prêtres fous et les amants fervents

Venir béatement baigner leurs tempes vides

Dans ce fleuve brumeux chanté par les grands vents !

Laissons les amoureux à leurs songes infimes,

Laissons la pauvre voix qui chante dans la cour

Rêver d’un pur bonheur et d’un cœur sans abîmes !

Sachons que rien ne vaut la gravité du jour,

Et cette éternité qui nous a faits sublimes,

Ne la blasphémons pas par des serments d’amour.