XXXI

Quatre mois plus tard. M. Laubriet, se rendant à la Landehue, suivait en phaéton la route de Beaupréau au Fief-Sauvin. Arrivé au bas de la côte qui précède le bourg, et pendant que ses chevaux montaient au pas, il aperçut le métayer de la Genivière dans un champ bordant la route, à sa droite.

Julien Noellet était devenu tout blanc. Il ne travaillait plus guère, et, laissant la charrue à d’autres, se contentait de casser les molles à petits coups songeurs entremêlés de longs arrêts.

M. Laubriet le salua de la main, et dit :

– Bonjour mon pauvre Noellet !

De l’autre côté de la haie, le paysan leva son chapeau sans répondre. Mais cette phrase apitoyée ne parut pas l’émouvoir. Elle le tira seulement de la lente rêverie que poursuivent ces anciens, seuls pendant de longues heures, occupés à des besognes faciles. Il s’appuya sur sa houe, croisa les bras, et regarda devant lui, du côté de sa métairie.

Vraiment la récolte avait été bonne cette année pour Julien Noellet. Ses greniers étaient pleins. De son champ, il voyait le faîte allongé du pailler, jaune entre les arbres encore verts. Et déjà tout autour de lui, bien que l’automne fût à peine commencé, les guérets ouverts disaient qu’une main jeune et active avait pris la direction de la ferme.

Il était là, au bout de la pièce, le successeur de Julien, son digne fils, Louis Fauvêpre. Six bœufs, comme autrefois, traçaient leur sillon dans la terre violette. Louis Fauvêpre tenait la charrue. Il n’avait point l’allure ni la méthode du vieux, qui se penchait beaucoup pour guigner un repère entre les mufles de ses bêtes. Mais très droit, maintenant sans effort les bras de fonte d’une charrue nouvelle, il avait une aisance élégante et robuste.

Parvenu à l’extrémité du champ, il laissa le valet ranger le harnais le long de la bordure verte de la haie. Car Marie, sa jeune femme, la vraie maîtresse de la maison blanche, venait d’arriver, apportant la soupe de trois heures, et elle attendait, debout, de son air digne et tranquillement heureux, un peu rouge, plus essoufflée que ne le comportait une course aussi petite.

Et voyant cela, le métayer leva doucement les épaules, et sur son visage d’aïeul, soudainement épanoui, l’immortelle espérance apparut, souriante.

FIN

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