CLXXVIII

IL n'y a chevalier ni baron qui de pitié ne pleure, douloureusement. Ils pleurent leurs fils, leurs frères, leurs neveux et leurs amis et leurs seigneurs liges ; contre terre, beaucoup se sont pâmés. Le duc Naimes a fait en homme sage, qui, le premier, dit à l'empereur : « Regardez en avant, à deux lieues de nous ; vous pourrez voir les grands chemins poudroyer, tant il y a de l'engeance sarrasine. Or donc, chevauchez ! Vengez cette douleur ! – Ah ! Dieu », dit Charles, « déjà ils sont si loin ! Accordez-moi mon droit, faites-moi quelque grâce ! C'est la fleur de douce France qu'ils m'ont ravie ! » Il appela Oton et Geboin, Tedbalt de Reims et le comte Milon : « Gardez le champ de bataille, par les monts, par les vaux. Laissez les morts couchés, tout comme ils sont. Que bête ni lion n'y touche ! Que n'y touche écuyer ni valet ! Que nul n'y touche, je vous l'ordonne, jusqu'à ce que Dieu nous permette de revenir dans ce champ ! » Et ils répondent avec douceur, en leur amour : « Droit empereur, cher seigneur, ainsi ferons-nous ! » Ils retiennent auprès d'eux mille de leurs chevaliers.

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