Préface de l’auteur

Section d’Histoire de Shawmut College,

Boston, le 26 décembre 2000.

Nous vivons ces jours-ci l’année ultime du vingtième siècle, et nous bénéficions des bienfaits d’un ordre social si simple et si logique qu’il semble n’être que le triomphe du sens commun ; malgré tout, il est difficile, pour qui ne dispose pas d’une formation historique approfondie, d’appréhender le fait que l’organisation présente de notre société date en réalité de moins d’un siècle. Aucun fait historique, cependant, n’a été aussi fermement établi que le constat suivant : jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, on croyait généralement que l’ancien système industriel, avec toutes ses conséquences sociales choquantes, était destiné à durer, peut-être au prix de quelques amendements, jusqu’à la fin des temps. Qu’il nous paraît étrange, presque incroyable qu’une aussi prodigieuse transformation morale et matérielle ait pu avoir lieu en si peu de temps ! On ne saurait décrire de manière plus frappante la facilité avec laquelle les hommes s’adaptent, au quotidien, à l’amélioration de leur condition, qui, quand elle est anticipée, ne laisse plus rien à désirer. Quel exemple à présenter pour modérer l’enthousiasme des réformateurs qui compte trouver leur récompense dans la gratitude vibrante des générations futures !

L’objet de ce volume est de venir en aide aux personnes qui, tout en désirant acquérir une idée plus précise des contrastes sociaux qui existaient entre le dix-neuvième et le vingtième siècle, sont intimidées par l’aspect formel des ouvrages historiques qui traitent du sujet. Instruit par notre expérience d’enseignant que le fait d’apprendre est perçu par l’élève comme une atteinte à l’intégrité du corps, l’auteur a cherché à adoucir les qualités pédagogiques du livre en le présentant sous une forme romancée, dont il imagine qu’elle présente en soi un certain intérêt.

Le lecteur, qui n’ignore rien des institutions sociales modernes et de leurs principes sous-jacents, pourra quelquefois estimer que les explications du Docteur Leete sont pour lui banales – mais il faut se rappeler que pour son hôte, elles n’étaient aucunement familières, et que ce livre est écrit dans le but d’induire également le lecteur à oublier qu’elles le sont pour lui.

Encore un mot. Le thème presque universel des écrivains et des orateurs qui ont célébré cette époque bimillénaire a été le futur, plutôt que le passé. Non pas les progrès accomplis, mais les progrès qui restent encore à faire, toujours plus loin et plus haut, jusqu’à ce que notre race accomplisse son ineffable destin. C’est bien, tout à fait bien. Mais il me semble que nulle part, nous ne trouverons de meilleures bases pour anticiper le développement humain pendant les mille ans qui viennent, qu’en jetant ce « regard en arrière » sur les progrès accomplis pendant les cent ans qui viennent de s’écouler.

Espérant que les lecteurs intéressés par les thèmes de ce volume sauront pardonner les déficiences du traitement, l’auteur se met maintenant de côté pour laisser s’exprimer M. Julian West.

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