III

« Stantea erant pedes nostri in atriis tuis, Jerusalem ! »

Psaume cxxii.

Jérusalem. — Resumé de son histoire. — État actuel de la ville.

Quels ont été les fondateurs de Jérusalem ? voici une question souvent posée, et résolue incomplétement selon moi. Tacite désigne Moïse ; Strabon, les Solymes ; deux opinions inadmissibles. L’historien Josèphe et les principales autorités de l’Église disent que le roi Melchisédech voulant opposer une digue aux Jébuséens, bâtit sur le mont Moriah une ville qu’il appela Salem, et qu’au moment où les Hébreux prirent la forteresse de Jébus, on réunit les deux noms Jébus Salem, d’où est venu le nom Jérusalem. Deux arguments s’opposent, je crois, à cette version ; d’abord, la Genèse dit clairement plusieurs fois que Salem était une ville faisant partie du territoire de Sichem (Naplouse aujourd’hui), peu distante de Soccoth et de Béthel, qui sont bien plus au nord ; en second lieu, il est contraire à tout principe étymologique de changer la labiale b en r, qui est une articulation d’une tout autre nature. J’imagine plutôt que les Jébuséens, peuple pasteur, ayant senti le besoin de mettre leurs troupeaux à l’abri, construisirent sur le mont Sion une citadelle autour de laquelle ils se groupèrent, et donnèrent à la forteresse et à la ville le nom de Jébus, qui signifie Parc à moutons. David, après s’être emparé de cette forteresse, voulant compléter sa conquête en effaçant jusqu’au nom national de la ville conquise, l’aura appelée Yarouschalaïm, la Possession de paix, en mémoire de la fondation définitive du royaume hébreu.

Vue de Jérusalem pris de la piscine de Zacharie. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Quelle que soit son origine, Jérusalem ne prit une certaine importance que lorsque David eut chassé les Jébuséens du mont Sion et en eut fait sa résidence. Salomon, son fils et son successeur, y éleva des monuments d’une grandeur et d’une magnificence rares ; mais à la mort de ce roi, par suite de la division des tribus du peuple de Dieu, elle resta la capitale du seul royaume de Juda.

Pendant quatre siècles elle s’embellit encore et s’agrandit considérablement ; cependant le culte des faux dieux remplaçant la loi de Moïse, vrai cachet de la nationalité hébraïque, la chute ne pouvait être loin. En vain, sous Ézéchias, Jérusalem résista aux armes de Sennachérib, elle devait être détruite peu de temps après par Nabuchodonosor. Il s’en empara trois fois et emmena en captivité une partie de ses habitants. Soixante-dix ans plus tard, Cyrus en permit le rétablissement, et le gouvernement théocratique remplaça le gouvernement monarchique ; mais la puissance menaçante des Perses ayant appelé en Orient Alexandre le Grand, celui-ci dirigea sa marche à travers la Syrie et la Palestine, et reçut la soumission de la ville. À la mort d’Alexandre, Jérusalem passa successivement deux fois des Lagides aux Séleucides, à qui elle appartint en dernier lieu, jusqu’à ce que leurs persécutions firent naître l’admirable dévouement de la famille Machabée, personnification de l’esprit national. Cette lignée de héros réussit à délivrer le pays et le gouverna avec gloire. Une querelle entre Hyrcan II et Aristobule II, qui se disputaient le trône, amena sous les murs de Jérusalem Pompée et l’armée romaine. À force d’intrigues, Hérode parvint à se faire autoriser par les vainqueur à prendre le titre honorifique de roi.

C’est sous ce règne que se sont passés les événements qui rendent le nom de Jérusalem à jamais immortel, la vie et la mort du Christ, l’apparition d’une nouvelle religion destinée à transformer le monde romain en le moralisant.

Jérusalem fit ensuite partie pour un temps d’une des quatre tétrarchies qui remplacèrent après Hérode l’unité du gouvernement ; mais les révoltes successives des Juifs amenèrent sa prise et sa destruction par Titus, à la suite d’un siége de sept mois, puis par Adrien, qui en chassa à jamais les juifs, et lui donna le nom d’Œlia Capitolina qu’elle devait conserver jusqu’à Constantin, sous le règne duquel elle fut autorisée à reprendre son ancien nom.

On sait à travers quelles vicissitudes Jérusalem est tombée et définitivement restée au pouvoir des infidèles.

Aujourd’hui la ville sainte est le chef-lieu du Liva et la résidence du pacha de Palestine ; elle relève pour le civil de l’eyalet de Syrie, comme pour le militaire de l’ordou d’Arabistan. Sa population, si l’on accepte les recensements des anciens, atteignait des chiffres incroyables ; on ne peut guère l’évaluer, de nos jours, à plus de 18 à 20 000 habitants répartis de la manière suivante :

8000 juifs, 5000 musulmans, 3000 Grecs non unis, 1500 Latins, 1000 Arméniens schismatiques et 100 à 200 Syriens et Cophtes. Je ne mentionne pas les Maronites et les Grecs catholiques qui forment à peine une dizaine de familles.

Chacune de ces sectes à son organisation religieuse : les juifs ont un kakham-bachi et pleurent tous les vendredis sur les anciens murs de l’ancien temple, attendant toujours la venue du Messie.

Juifs priant devant la muraille du temple de Salomon. — Dessin de Bida.

Les musulmans se pavanent dans leur mosquée d’Omar, dont ils sont si jaloux, qu’ils y laissent difficilement entrer un giaour.

Les Grecs ont pour Jérusalem un patriarche spécial qui réside à Constantinople, et sont administrés par l’archevêque de Pétra et par le procureur du patriarche. Ils se consolent du reste de la perte de l’empire byzantin en achetant presque tous les terrains de la Terre-Sainte ; si cela continue, ils pourront la revendiquer un jour en qualité de propriétaires fonciers.

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