Chapitre qui peut paraître surabondant, et dont aurait pu se passer le lecteur ; quand je dis lecteur, je parle hypothétiquement, car il serait présomptueux à moi de penser en avoir un seul, fût-ce même un Russe ? Mais sans lui, l’histoire de Passereau aurait été immorale ; il faut toujours que le crime reçoive un châtiment.
Le petit homme rouge avait sonné cinq heures et demie à l’horloge du château des Tuileries, car le petit homme rouge a reparu depuis peu avec le nouvel hôte et son maistre des maçonneries. Passereau se promenait sous la forêt de marronniers : pour tuer l’attente, il avait pâturé deux ou trois grands journaux fort indigestes. Notre bel écolier s’ennuyait considérablement en ce damné lieu, continuellement assailli par certains schismatiques et forcé d’essuyer les déclarations d’amour de ces bourgeois de Gomorre. Enfin il vit un homme accourir en toute hâte au piédestal du sanglier de marbre, puis le tourner et le pourtourner tendant le cou et regardant de tous côtés avec un air maussade et capot.
Ce quidam, grand et gros, enveloppé d’une houppelande bleue, orné d’une figure insignifiante coupée en deux par une énorme moustache, portait des éperons qu’il faisait sonner d’impatience et une longue cravache dont il se caressait les os des jambes. Passereau l’ayant considéré un instant et toisé du regard comme un cheval en foire, s’approcha de lui et le salua :
– Vous attendez quelqu’un, monsieur ?
– Que vous importe, jeune homme !
– Il m’importe beaucoup.
– Vous exercez une profession peu honorable, monsieur, croyez-vous que je ne vous ai point aperçu tout à l’heure me moucharder ?
– Vous attendez une femme, n’est-ce pas ?
– Non, monsieur, un hermaphrodite.
– Vous faites à contretemps le joli cœur.
– Gringalet !
– Il est vrai, monsieur, que ma corpulence n’égale pas la vôtre, et que dans la balance d’un boucher vous pèseriez plus que moi : mais votre grosse voix et vos grands ossements ne m’épouvantent pas. Croyez-moi, la seule domination est celle de l’intelligence, et la vôtre, monsieur, me semble fort mal confectionnée.
– Quel est ce doux ramage ?
– Convenez-en, le fait n’a rien de honteux, vous attendez une fille, mademoiselle Philogène, mais vous attendez en vain, à moins d’un miracle, et les miracles sont passés de mode, elle ne viendra pas, c’est moi qui, sur ma tête et mon sang, vous l’affirme.
– En tout cas, ce n’est pas vous qui l’en empêcheriez !
– Ne jurez de rien, monsieur le colonel Vogtland.
– Qui vous a dit mon nom ? Triple escadron ! ceci me surpasse.
– Vous comptiez ne trouver ici qu’un sanglier de marbre, et vous en trouvez deux, dont un vif, prêt à vous faire bonne guerre ?
– Non, monsieur, je ne trouve qu’un sanglier et un porc.
– Vous me donnez le choix des armes.
– Vous aussi vous avez un point d’honneur ? Tout s’en mêle. Vous jouez au soldat ; mon enfant, vous voulez faire le ferrailleur. Vous tombez mal et bien, vous ferez avec moi un rude apprentissage !
– Assez de ce ton de protectorat, vous me faites pitié, tout sabreur que vous êtes.
– Triple escadron ! le calicot s’insurrectionne.
– Ne m’approchez pas, monsieur le carabinier, vous puez l’écurie !
– Gringalet ! si je ne me retenais à quatre, je te souffletterais de ma botte !
– Regardez-moi bien, croyez-vous que je tremble ? Un homme vaut un homme ; ignorez-vous ce que peut la volonté ? – Votre empereur, dont frissonnant vous baisiez les semelles, comme moi, vous allait au nombril ! – Oh ! nous ne sommes plus au temps où le soudard primait dans le monde et calottait le citoyen, au temps où l’on ôtait sa pipe devant un recru en sentinelle. – Vous vous battrez avec moi !
– Vous le voulez, je me battrai : c’est-à-dire, traduction littérale, je vous tuerai.
– Qui sait ? ce sont les mauvais barbiers qui balafrent. – À demain matin ; quel rendez-vous ? Boulogne ou Montmartre ?
– Montmartre.
– Quelle heure ?
– La vôtre.
– Huit heures.
– Soit. – Quoique tout homme vaille son homme, comme vous disiez fort élégamment tantôt, je n’aime pas les anonymes : serait-il possible de savoir qui vous êtes ?
– Passereau.
– Votre état ?
– Écolier.
– Triple escadron ! la maigre solde !
– Si nous ne devions nous battre à mort, j’apporterais ma trousse et vous offrirais mes services pour votre pansement ; mais si vous désiriez par hasard qu’après votre trépas je vous ouvrisse et je vous embaumasse, veuillez me regarder comme, honorifiquement, votre serviteur dévoué.
– Monsieur est médecin ? nous sommes confrères.
– Je le suis de beaucoup de gens.
– Monsieur est carabin ?
– Monsieur est carabinier ?
– Mais, triple escadron ! elle ne viendra pas, la donzelle !
– Je ne présume pas.
– Peut-être ai-je eu tort de m’emporter sitôt ? Peut-être étiez-vous envoyé de Philogène pour m’avertir qu’elle ne pouvait se trouver au rendez-vous ? Peut-être est-elle malade ?
– Très malade.
– Peut-être êtes-vous son médecin ?
– Oui, son médecin.
– Je vous demande mille pardons de vous avoir si mal traité, j’ignorais…
– Demain matin, à huit heures, à Montmartre !
– Mais, de grâce, dites-moi, comment va-t-elle ! Que lui est-il arrivé ? est-elle en grand péril ?
– Quelle arme prendrons-nous ?
– Je vous supplie, répondez-moi, vous êtes cruel, vous, son médecin ! Pour une insulte faite sans connaître, pour une insulte dont je vous demande pardon ; répondez-moi, est-elle en danger de mort ? est-elle à l’agonie ? Que je cours… Répondez-moi donc ! si vous saviez combien je l’aime !…
– Si vous saviez combien j’en suis aimé !
– C’est ma maîtresse.
– C’est ma maîtresse !
– Elle, Philogène ?
– Elle, Philogène.
– Triple escadron !
– Tribunal de Dieu !
– J’en suis anéanti !…
– J’en suis émerveillé. – Ayant intercepté votre agréable poulet, je viens, en son lieu, vous demander de quel droit, depuis trois mois qu’elle était à moi, ma seule amie, vous êtes survenu dans mes amours ?
– Dites-moi, d’abord, depuis deux ans que je l’entretiens, de quel droit vous survenez dans les miennes ?
– Quoi, vous l’entreteniez ?
– Oui ! de beaux et bons écus ayant cours.
– Ah ! l’infâme… – J’ai bien fait…
– Qu’avez-vous fait ?
– Rien.
– Jurez-moi, car il faut que je sache à quoi m’en tenir, que vous êtes depuis trois mois son amant heureux.
– Je le jure par le Christ ! – Mais jurez-moi aussi que depuis deux ans vous êtes son entreteneur heureux.
– Je le jure par Martin Luther !
– Calomnie !
– C’est vous qui mentez !
– Je ne dis pas que vous n’ayez pas tenté l’escalade, mais vous avez été débouté.
– Je ne dis pas non plus que vous n’ayez battu en brèche, mais assurément vous en avez été pour vos frais de siège.
– Quelle arme choisissons-nous, décidément ?
– Décidément vous voulez vous battre ? – À coup sûr, pour vous venger de ses rigueurs ?
– Non, de ses faveurs.
– Gascon !
– Mirliflore ! – Vous croyez donc qu’on peut impunément venir arracher de mes bras ma bien-aimée ? Oh ! vous vous abusez fort, monsieur le céladon tardif ! – Vous étiez venu semer de l’ivraie dans mon champ. – Vous étiez venu, sans doute, mendier de l’amour pour de l’or. – Cette femme est à moi, je la garderai, je la veux, j’en ai besoin, je la défendrai contre tout agresseur, je la maintiendrai ! Mort à quiconque viendra, comme vous, braconner sur ma terre ! – Vous vous battrez, monsieur le colonel !
– Je vous tuerai.
– Nous connaissons votre réputation funestement célèbre. Mais comme je ne sais pas manier l’épée et que d’ailleurs je suis myope et ne puis tirer le pistolet, je vous prierai de vouloir bien vous en remettre au hasard !
– À votre aise : d’autant plus que je n’aime pas l’assassinat et ce serait vous assassiner : quel que soit votre courage, la lutte serait inégale ; que faire contre une adresse infaillible ? – Le hasard peut seul balancer les chances, je m’en réfère au hasard. – Mais réfléchissez, mon cher ami, il me déplaît d’aller sur le terrain pour un léger motif : je vous dirai, franchement, que je n’ai point de véhément désir de vengeance ; je ne vous hais point, et si vous voulez simplement m’assurer que vous renoncez à jamais à toutes poursuites d’amour auprès de Philogène et à venir troubler ma possession, je m’en fie à votre parole d’honneur, car je vois que vous êtes un homme d’honneur, tout sera dit, tout sera fait : voulez-vous ?
– Vous goguenardez. – Jamais ! nous sommes deux cavaliers pour une cavale : qu’elle soit au survivant.
Plus tard vous ne m’accuserez point ; comme vous, je vais avoir une volonté immuable, et ne demandez pas grâce et miséricorde, je serai féroce.
– Qu’elle soit au survivant ! Voulez-vous tirer au blanc et au noir, un pistolet chargé et l’autre pas ?
– Je n’aime pas cela.
– À pile ou face ?
– C’est par trop écolier.
– Savez-vous quelque jeu ?
– Non.
– Ni moi non plus, alors la chance est égale, jouons notre vie.
– Bravo ! mais auquel ?
– Aux dames ou aux dominos ?
– Soit. Allons au prochain café.
– Non, à demain.
– Demain, demain ! on ne doit jamais remettre cette sorte d’affaire.
– Il faut que j’aille dîner.
– Je ne puis vous laisser partir, je m’attache à vos pas. Vous iriez maltraiter Philogène. Vidons de suite la querelle.
– Il faut que j’aille dîner.
– Allons dîner, où allez-vous ? Je vous suivrai.
– Au premier restaurant, là, au coin, rue Castiglione. Voulez-vous accepter ?
– Merci, chacun son écot.
Là-dessus, se dirigèrent vers la rue de Rivoli, notre écolier et notre soldat, ou notre soldat et notre écolier, je laisse à chacun la faculté de donner la préséance à qui bon lui semblera suivant son goût et sa prédilection. Vit-on jamais couple d’hyménée mieux assorti entrer chez un traiteur, faisant nopces et festins ? Un gros ossu, d’une stature hyperbolique – qui aurait pu servir d’observatoire, Dieu en soit loué ! à feu Mathieu Lemsberg –, un tueur par l’épée ; c’est l’époux d’une part. – Un petit minois, enfantin et joliet, qui aurait pu faire un charmant docteur à l’usage des dames, un tueur par Broussais ; c’est l’époux d’autre part. – Comme pour une partie fine ils s’enfermèrent dans un cabinet très particulier, je suis sûr qu’il en vint de mauvaises pensées dans l’esprit du garçon. Ceci nous montre qu’il ne faut point s’arrêter aux apparences. Gardons-nous de jugements téméraires, il est si facile de prendre, ainsi que dans cette occurrence, des gens qui vont se couper la gorge, pour des gens qui vont se l’embrasser.
– Ce repas, pour l’un de nous deux, sera le dernier, sera le viatique, dit alors Passereau ; il convient de le faire copieux, sans nul égard pour les ordonnances somptuaires de feu très constant roi Henri deuxième, que lui-même sans doute outrepassa souventefois en l’honneur de madame Diane, et qu’à plus solide raison, nous pouvons bien enfreindre en l’honneur de madame la mort.
– Je comprends, vous voulez, comme on dit à la caserne, que nous fassions un mâchon soigné, cela me chausse assez bien : j’y tope. – Pour vous préparer au grand acte qui va suivre, pour vous procurer de l’aplomb et de l’audace, vous voulez vous salpêtrer le cerveau, c’est très adroit ! C’est comme je pratiquais à ma première campagne ; quand la journée devait être chaude, je me reconsolidais avec une armure interne de champagne mousseux.
– Non, ce n’est pas pour cela, car je suis résigné à quitter la vie ; je serais même chagriné s’il advenait que je gagnasse.
– Moi de même.
– Et je vous demanderai, si le cas échoit en votre faveur, de ne point me faire de politesse et de me tuer sans remords.
– Moi de même. – Car la vie, à vous dire vrai, commence à me peser constitutionnellement. Le troupier sans guerre, c’est la désolation des désolations ; c’est un médecin sans épidémies ; c’est un Coitier sous Louis XI.
– Voulez-vous bien, s’il vous plaît, nous dispenser de barbarisme et laisser le c de maître Coictier.
– Coictier ! Ah ! par exemple, c’est cela un barbarisme ! mon cher ami, il faudrait avoir une gueule de fer blanc pour prononcer ce nom si cruellement gaulois ; d’ailleurs, Casimir Delavigne, dans sa tragédie en cinq actes et en vers français, a dit partout Coitier.
– Belle autorité ! que votre rimeur du Hâvre de Grâce !
– Morveux ! – Taisez-vous, vous m’insultez en la personne de ce nourrisson chéri des neuf sœurs, des neuf muses, des Piérides !
Hélas ! pour l’honneur du corps, il était temps que le carabinier achevât son festin ; sa conversation prolixe et volubile devenait presque aussi claire que le Victor Cousin, presque aussi savante que le Raoul Rochette, presque aussi chinoise que le Rémusat, presque aussi anglaise que le Guizot, presque aussi chronologique que le Roger de Beauvoir, presque aussi artiste que le de Lécluse, et pour l’immoralité en bas de soie, c’était du scribouillage tout pur !
Il s’était, outre mesure, bourré le torse, langage d’atelier.
Le fait est qu’il avait une capacité vraiment académique, et sauf les représentants du peuple, il n’y a guère que les chameaux qui eussent pu, avec quelques chances, entrer en lice avec lui ; et, dans l’état où il se trouvait, il aurait pu entreprendre avec sécurité la traversée du désert ; je ne dis pas de Sahara, parce que je hais le pléonasme. Ceci est une facétie à l’usage de la société asiatique de Paris ; il est bon quand on fait des plaisanteries orientales de l’en prévenir ; il est bon, avec un semblable parterre, d’avertir des endroits risibles.
Dans un coin du cabinet qu’ils appelaient le cimetière, le carabin et le carabinier avaient empilé les bouteilles défuntes, et Dieu sait combien avait été contagieuse la mortalité.
Les voilà ! les voilà ! par les rues, les ruelles, les impasses, les places, les carrefours, encombrés de voitures et de passants ; les voilà ! les voilà ! par la boue, les pavés, les immondices, les bornes, les ruisseaux, les filles de joie, les voilà ! Comme ils folâtrent nos deux hommes ! Les voilà ! Ils s’en vont, compère et compagnon, et comme dirait un paveur ou un membre de l’académie des Inscriptions qui ferait une docte citation, les voilà qui s’en vont ainsi qu’Orchestre et Pilastre. – À propos d’Oreste et Pilade, voulez-vous une recette pour faire un vaudeville à grand succès ; 1° il faut y parler au moins treize fois de ces deux classiques amis ; 2° au moins une fois de la cupuncture ; 3° au moins trois fois de l’honneur français et de Napoléon ; 4° ne pas oublier deux ou trois balourdises sur les romantiques, et surtout ne pas manquer de leur faire dire que Jean Racine est un polisson, et de faire des bons mots sur ce gueux de Gœthe et sur Chat-qu’expire ; 5° exalter Molière et Corneille, que surtout on ne doit pas avoir lus, pour s’en faire un manteau à l’aide duquel on puisse passer à la barrière du public, comme ces veaux qu’on entre en fraude, en leur mettant une blouse et une casquette. Le tout en français de M. Drouineau et en bouts rimés du vieux marquis de Chabannes ; si je dis le marquis de Chabannes, c’est que je sais qu’il n’est pas spadassin, et comme je n’aime pas le duel, ce qui ne veut pas dire que je n’aime pas à déjeûner, je fais le moins possible de personnalité dangereuse, et jamais, ainsi que Boileau, je ne pousserai l’audace jusqu’à appeler un chat un chat.
Arrivés au café de la Régence, vite, ils demandèrent un jeu de dominos – voici le moment fatal ! – Dieu, car il n’y a pas de hasard, même aux dominos, va décider dans sa sagesse qui des deux doit mourir, du carabin ou du carabinier.
Vogtland parfois était morgue comme un caporal instructeur, et parfois volontiers assez expansif.
– Double six, douze, 1812 ; c’est juste l’année où j’ai eu l’avantage de perdre mon vénérable père.
– Pas de niaiseries, colonel, jouons gravement, grogna Passereau, et surtout ne mettez pas les dominos à l’envers.
Notre écolier était rêveur et concentré, et racorni en boule sur lui-même, comme certain poète contemporain, ou comme un petit cochon d’Inde qui a froid.
Une galerie de bourgeois s’arrondissait autour de leur table et prenait intérêt à leurs jeux. Si ces braves gens avaient pu se douter de ce qui se décidait là, certes, ils auraient été terriblement effrayés et auraient pris leur parapluie ou celui d’autrui, et se seraient enfuis à toutes jambes, s’ils n’avaient été œdémateux ou podagres.
Vogtland, comme un compagnon du devoir, habitué à boire tout au litre, qui entre par hasard au café, un jour de bamboches, avalait sa dix-septième demi-tasse quand la partie se termina à son avantage. – Passereau à cette fin sourit agréablement.
– Allons, partons de suite, dit-il, je suis pressé d’en finir.
– Quelle mort préférez-vous ?
– Faites-moi sauter le caisson.
– Bien. Je vais entrer rue de Rohan, dans mon hôtel, pour y prendre mes pistolets. Marchez lentement, je vous rejoindrai ; où allons-nous, aux Champs-Élysées ?
Vogtland reparut bientôt ; silencieux, ils suivirent la grande avenue et passèrent la barrière de l’Étoile. À quelques maisons plus loin que la taverne du napolitain Graziano, où l’on mange d’excellents macaronis, ils se détournèrent de la route et descendirent dans les prés en contrebas de la chaussée – il était grande nuit. Là, ayant longé quelque temps un mur de clôture : – Arrêtons-nous ici, dit Passereau, nous sommes assez bien, ce me semble.
– Vous trouvez ?
– Oui !
– Êtes-vous prêt ?
– Oui, monsieur, armez, surtout pas de délicatesse, vous êtes un lâche si vous tirez en l’air.
– N’ayez pas peur, je ne vous manquerai pas.
– Ajustez-moi à la tête et au cœur, s’il vous plaît ?
– Avec plaisir : mais appuyez-vous sur le mur pour ne point reculer, et comptez une, deux, trois ; à la troisième, je ferai feu.
– Une, deux ; – attendez, nous avons joué notre vie pour une femme ?
– Oui !
– Elle appartient au survivant ?
– Oui !
– Écoutez bien ce que je vais vous dire et faites-le, je vous prie : la volonté d’un mourant est sacrée.
– Je le ferai !
– Demain matin, vous irez rue des Amandiers-Popincourt ; à l’entrée, à droite, vous verrez un champ terminé par une avenue de tilleuls, enclos par un mur fait d’ossements d’animaux et par une haie vive, vous escaladerez la haie, vous prendrez alors une longue allée de framboisiers, et tout au bout de cette allée vous rencontrerez un puits à rase terre.
– Après ?
– Alors, vous vous pencherez et vous regarderez au fond.
Maintenant faites votre devoir, voici le signal, – une, deux, trois !…