XXII Fiançailles d'Arthur

– Beaux seigneurs, leur dit un jour le roi Léodagan, sachez que je vous aime de plus grand amour que vous ne le pensez, et ainsi dois-je faire puisque vous m’avez donné mon royaume et ma vie. Ne me direz-vous pas qui vous êtes ? Il n’est chose au monde que je désire autant.

Les trois rois regardèrent Merlin. En les voyant ainsi hésiter, Léodagan fut si troublé que les larmes lui montèrent du cœur aux yeux et lui couvrirent le visage. Aussi en eurent-ils grande pitié ; ils le firent asseoir sur un lit à côté d’eux, et Merlin lui dit en lui montrant Arthur :

– Sire, voici notre damoisel, et sachez que, tout roi couronné que vous êtes, il est plus haut homme que vous. Nous allons par le monde cherchant aventure et espérant de lui trouver une femme.

– Ah ! pourquoi chercher ? répondit Léodagan. J’ai la fille la plus belle, la plus sage, la mieux apprise qui soit !

– Elle ne sera pas refusée, s’il plaît à Dieu, dit Merlin.

Grande fut la joie de Léodagan en l’entendant parler ainsi. Sur-le-champ, il fut quérir Guenièvre et l’amena par la main dans la chambre ; puis il y fit entrer tous les chevaliers qui étaient au château et prononça à haute voix :

– Gentil damoisel que je ne sais encore nommer, recevez ma fille pour femme, avec tout ce qu’elle aura d’honneur et de biens après ma mort. Je ne la pourrais donner à un plus prud’homme.

– Grand merci ! dit Arthur.

Léodagan lui mit la main de Guenièvre dans la main, et l’évêque de Carohaise bénit leurs fiançailles.

– Sire, dit alors Merlin, sachez, vous et tous ceux qui sont ici, que vous avez donné votre fille au roi Arthur de Bretagne, fils d’Uter Pendragon. Vous, ainsi que tous les vôtres, lui devez hommage. Et ces deux prud’hommes sont frères germains et rois couronnés : l’un est Ban de Bénoïc, l’autre Bohor de Gannes. Et tous ces autres compagnons sont fils de rois et de reines, ou de comtes, ou de châtelains.

À ces mots, la joie de Léodagan et des assistants fut telle qu’il n’y en eut jamais de pareille. Tous firent hommage au roi Arthur. Après quoi on s’assit au manger et le roi Léodagan songea que maintenant Notre Sire pouvait faire de lui sa volonté, puisque sa terre et sa fille étaient assignées au plus prud’homme de l’univers.

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