III

Marcel ne se serait pas tenu un autre discours, s’il eût pu deviner que son attente, à la porte de l’hôpital l’avait mis, à son insu, en présence même de cette mystérieuse Paule Gauthier soupçonnée d’exploiter le vieillard, isolé de sa famille, qu’était Marcelin Breschet. Mais le petit-fils gardait, à travers une séparation de tant d’années, trop de respect à l’égard de son grand-père pour ne pas reculer devant l’idée d’une duperie aussi déshonorante que dangereuse. Il fallait, à tout prix, tirer au clair les rapports de la laborantine inconnue et de l’homme d’affaires. Cette fois l’enquêteur n’hésitait plus. La visite au boulevard Suchet ne devait pas être différée ; et dès le lendemain, il sonnait de grand matin à la grille de la somptueuse bâtisse devant laquelle il hésitait la veille.

« Comment va-t-il me recevoir, et même me recevra-t-il ? Certainement il croira que j’apporte la réponse à sa lettre : et que lui dirai-je ? » se demandait-il après avoir remis sa carte à un personnage, mi-domestique, mi-secrétaire, qui attendait dans l’antichambre, presque dénuée de meubles. De grandes glaces et des panneaux de bois moiré dénonçaient des projets de luxe interrompus et voici qu’un vieillard entrait, tenant la carte à la main. C’était le grand-père et il prenait dans ses bras son petit-fils, avec une émotion expansive, qui devait étonner le témoin de cette scène, habitué chez son patron à d’autres attitudes :

– Pourquoi ne pas m’avoir prévenu, mon petit Marcel ? disait l’aïeul bouleversé en entraînant le jeune homme dans son bureau. Tu aurais logé ici. Que je te regarde ! Ah ! tu es bien un vrai Breschet. Tu en as les yeux, les cheveux et la belle carrure auvergnate. Donne-moi des nouvelles des tiens. Ton père n’est pas malade, qu’il ne t’a pas accompagné ?

Un regard inquisiteur luisait dans ses prunelles. Évidemment, il pensait à sa lettre dont il ne voulait pas parler le premier. Mais le fond affectueux de sa nature l’emportait sur toute autre préoccupation, et il continuait, multipliant ses questions sur la vie de son fils à Montigny, sur celle de son petit-fils à Nevers. À peine nomma-t-il sa bru dans une phrase incidente, témoignant ainsi d’une persistante rancune. Il voyait en elle une des causes de son isolement et il lui en voulait. Était-il possible que cet homme âgé, dont les sentiments familiaux restaient si vifs, fût le héros d’un drame de luxure abject et qu’il méditât de dépouiller son fils, par suite son petit-fils, d’une somme considérable, au profit d’une honteuse liaison ?

– Je suis venu à Paris, répondit Marcel à des demandes hâtives et multipliées auquel un regard fixe donnait un sens inquisiteur, pour quelques recherches à la Bibliothèque Nationale sur la thèse que je prépare.

Il en dit le titre qui provoqua cette exclamation du grand-père, évidemment résolu à ne faire la moindre allusion à sa propre lettre :

– Décidément, les Romains ont conquis la Gaule, puisque les descendants de ceux qui se battaient contre eux à Gergovie ou à Merdogne, – tu as lu la controverse sur ce point de notre histoire ? – s’occupent du dieu Janus, et du culte qu’on lui rendait.

Comme il énonçait cette phrase qui prouvait combien l’Auvergnat, chez lui, s’intéressait encore aux problèmes de l’histoire locale, le domestique-secrétaire vint lui passer une autre carte de visiteur :

– Je vais le recevoir tout de suite, dit-il, – et à son petit-fils. – C’est un des gros actionnaires de notre Société et qui doit nous verser aujourd’hui même une forte somme.

Deficiente pecu… deficit omne,… nia.

Ce vers latin parodique c’est pour M. le professeur. Il s’était levé et, forçant Marcel à se rasseoir lui-même :

– Tu vas peut-être m’attendre un peu de temps. Janus ne t’en voudra pas, et tu auras les journaux à lire… Il lui en tendait plusieurs qui s’entassaient sur la table. Et puis, c’est entendu, je t’emmène déjeuner.

« Quel homme actif », se disait Marcel, en regardant, non pas les journaux, mais les papiers accumulés dans une magnifique bibliothèque, « et que de dossiers ! Que d’affaires ! Il y a vraiment deux choses inexplicables : l’une qu’il ait besoin de nous emprunter cent mille francs, vivant dans ce luxe… » Il s’étonnait de plus en plus du décor du salon. L’autre, qu’il se laisse exploiter par une infirmière, du type de celles que je voyais hier sortir de l’hôpital. Il est certainement sur le bord de la fortune, encore une fois. Mon père me l’a si souvent décrit dans ses avatars différents. Ou bien serait-il de nouveau à la veille de sombrer dans son affaire de bâtiments, mal gérée ? Mais non, ce gros actionnaire apportant la forte somme, a donc confiance, et grand-père aussi a confiance. À coup sûr il n’a pas l’air inquiet. Quel contraste entre cette riche habitation et ce milieu d’hôpital dont je garde l’impression dans les yeux ! Si cette fille le trompe en l’exploitant, et qu’il l’aime, comment ne l’en a-t-il pas tirée ? Oui, je comprends que mon père, si régulier, si strict, si conformiste, comme dirait ce bolcheviste de Chardon, le parfait fonctionnaire, n’ait pu s’entendre avec lui. Tous deux cependant sont bien des Auvergnats, de cette race du Plateau central, qui se resserrent sur eux-mêmes, se terrent dans leurs habitudes, ou bien se déchaînent dans l’espérance, et alors, ils hasardent tout. Ils ressemblent à leur pays avec ses grandes coulées de lave immobile, et, à l’horizon, une chaîne tumultueuse de cratères, les Vésuves d’hier et de demain sans doute. Et moi, je tiens de ces deux caractères, et par ma mère à cette Bourgogne où tour à tour ont habité les Éduens, ces alliés de Rome, puis les colonies Germaines et Sarmates, puis les Burgondes, puis les Sarrasins. Que de troubles dans le passé de cette province, qui fut pourtant le premier duché-pairie de France. Auvergnat et Burgonde, quelles hérédités ! D’où mon incertitude intérieure. Rattachons-nous à l’humble devoir : découvrir la vérité sur la crise que traverse mon grand-père. Et avec cela, me voici bien loin de ma thèse.

Il faudra pourtant y penser aussi et aller à la Bibliothèque Nationale cet après-midi. »

L’incohérence de ces réflexions avait pourtant son unité. Elles attestaient ce mélange si particulier de réminiscences historiques et de scrupules personnels qui se rencontre chez tant de jeunes professeurs. Marcelin Breschet cependant rentrait de son entretien avec le gros actionnaire. Il parlait aussitôt de cette thèse qui venait de hanter de nouveau son petit-fils :

– Quelle raison t’a donc poussé à t’occuper de Janus ? lui demanda-t-il.

Marcel, ému de cette identité de préoccupations, se laissa aller, en répondant, à parler de lui-même avec une vérité qu’il n’avait pas avec son père :

– Tout enfant, vous rappelez-vous, grand-père, que vous me reprochiez d’être curieux ?

– Oui. Tu remarquais tout. Je me souviens : au baptême de ton cousin Monestier, à Chauriat, tu me demandais : Grand-père, cet enfant de chœur que voulait-il qu’on apportât, en disant toujours : Amen, amen ?

– Cette curiosité de petit garçon, répliqua Marcel attendri encore par cette évocation des temps d’union familiale, c’était le goût de savoir, qui n’a fait que grandir avec l’âge. Ce goût m’a décidé à cette carrière d’universitaire qui suppose des études poussées assez loin. Elle comporte aussi, dans les postes de début, des obligations assez décevantes. Pour m’en débarrasser, il faut que je sorte des classes de lycée et que je passe à une chaire de faculté. Ce passage exige le doctorat. L’histoire des idées religieuses m’a intéressé. J’ai été naturellement conduit à m’occuper de leur origine. Aux environs de l’église de Vézelay, il y avait les ruines d’un temple, que je visitais tout enfant, et dont mon père me dit qu’il avait été celui d’un dieu à deux visages, appelé Janus. Ces deux visages m’intriguèrent et voilà comment je fus conduit à étudier le culte de Janus en Gaule.

– Ah ! s’écria le grand-père. Que tu es bien de mon sang, de celui du vieux Breschet qui n’a pas pu se contenter de l’échoppe de tailleur de son père ! Il a sauté à l’Hôtel-Dieu de Clermont, puis de Clermont à Paris, où il finit par remplacer le grand Dupuytren dans son service, pour lui succéder à l’Institut. Quelle étape ! Je te vois, également, de ton lycée de province, montant à la faculté dont tu rêves, et pourquoi pas, toi aussi, à l’Institut ? Tu as raison, vois-tu. Oser, entreprendre, c’est ça vivre ; ne jamais se contenter de son sort. On ne réussit pas ? On recommence. Je n’ai jamais compris ton père de s’être complu à la monotonie de son existence de fonctionnaire. Quand nous en parlions, il disait : sécurité ; moi, je répondais : risque. J’ai, dans mes entreprises, traversé quelquefois de mauvaises périodes et toujours j’ai recommencé. Encore aujourd’hui, dans cette société de constructions que j’ai fondée, il y a des heures difficiles. J’en triompherai et mon petit-fils sera ce personnage peu commun : le Sorbonnard millionnaire.

Marcel, en écoutant ces propos, songeait : « Mais le motif de sa demande du prêt de cent mille francs, le voilà : une de ces difficultés. Peut-être la venue du gros actionnaire l’en tire-t-elle déjà, qu’il n’en parle plus. Où avais-je la tête d’imaginer une basse aventure sentimentale, à son âge et avec cette fièvre d’activité ? »

Et il écoutait son grand-père continuer :

– Mais pensons à toi. Une thèse, ça s’imprime, ça se publie chez un éditeur.

– Oh ! la mienne, fit Marcel, n’est encore qu’en projet, à peine commencée.

– N’importe, répondit le vieil optimiste, il faut dès maintenant préparer les voies. Je connais justement une maison d’édition où je vais te mener, pour que tu causes avec le secrétaire, un jeune homme que j’ai pu placer là. Il s’appelle Gauthier. Son père était un de mes garagistes, quand je m’occupais d’automobiles. Cet homme est mort à mon service dans un accident et j’ai considéré comme mon devoir de m’occuper de ses enfants. Il y en avait deux, une fille et ce garçon, qui réussit très bien chez son patron, auquel il voudrait succéder quelque jour. On l’y aidera. C’est encore un des bénéfices de la vie d’affaires : on peut appuyer autour de soi des gens qui le méritent, et ce Gauthier est vraiment digne d’appui. Il connaît des écrivains, des savants, et, si je ne me trompe, des archéologues. Auquel cas, ses conseils pourraient t’être précieux.

« Gauthier ! » se répétait Marcel. « Mais la voilà, l’explication de l’intérêt qu’il porte à la laborantine, si elle est la sœur de ce garçon et la fille de l’accidenté. Il est vrai que cette sorte d’intérêt, quand il s’agit d’une jeune fille jolie et galante, ça tourne mal quelquefois… »

Il se rappelait cette troupe d’infirmières qu’il avait vues sortant la veille de l’hôpital, et l’attitude de celle qu’il avait remarquée, s’en allant tendrement et familièrement au bras de l’amoureux qui l’attendait. Qu’il se fût ainsi rencontré dès le premier soir de son arrivée à Paris, avec cette Paule Gauthier qu’il cherchait, comment se le fût-il même imaginé ? Mais cette similitude de noms, entre le secrétaire de librairie protégé par son grand-père et l’intrigante dénoncée à son père, le frappait tellement qu’il ne put penser à autre chose pendant le déjeuner passé tout entier à écouter ce grand-père qui racontait le travail de sa société, fondée pour exploiter une bande du terrain des anciennes fortifications, et tandis que vers deux heures, les deux convives se dirigeaient vers la rue Saint-Guillaume où se trouvait la boutique de l’éditeur chez lequel Gauthier était employé, il ne s agissait plus pour le futur docteur de la visite à la Bibliothèque Nationale et des savantes recherches projetées sur Janus :

« Qui est cette sœur et quel métier exerce-t-elle ? »

Cette question occupait tout son esprit, et il s’en taisait, comme l’homme d’affaires continuait à se taire sur sa demande des cent mille francs faite à son fils. Quel rapport pouvait-il y avoir avec l’existence, soudain révélée, de cette sœur du secrétaire placé par le patron de l’automobiliste mort au service de la maison Breschet ?

– C’est pourtant à mon usine de papier de Saint-Amand-Tallende, disait celui-ci à l’entrée de la rue Saint-Guillaume, en montrant sur une façade l’étiquette « Librairie Gillequint », que je dois d’être en si bons termes avec M. Gillequint. Nous nous sommes connus, lui presque enfant à cette époque. Voilà encore un des avantages du métier d’homme d’affaires. Que d’amis il se fait le long de sa vie, pourvu qu’il soit toujours correct ! C’est une vieille maison, ajouta-t-il pour justifier l’aspect désuet de l’immeuble, par trop contraire à ses théories d’audacieuse modernité. Gillequint est tout nouveau, lui, dans l’édition. Raymond Gauthier a bien l’intention de transformer la boutique, si jamais il en devient le chef. Il y a déjà introduit quelques nouveautés, dont ces vitrines où l’on voit exposés les derniers volumes parus, avec la photographie des auteurs. Mais allons à son bureau. C’est lui qui surveille la vente pendant que Gillequint dirige les comptes et signe les traités.

La pièce attenante à la boutique, où se tenait le protégé de l’industriel, était étroite et sombre, mais rangée avec un soin qui prouvait l’esprit d’ordre de l’employé. Il se leva pour saluer l’ancien patron de son père, et Marcel crut remarquer sur son visage une certaine expression de gêne qui contrastait avec la cordialité du vieillard. Toujours préoccupé des relations de celui-ci avec la laborantine et par la possibilité d’une étroite parenté de cette inconnue avec ce jeune homme du même nom, il pensa du coup que ce dernier éprouvait une secrète défiance vis-à-vis du bienfaiteur qui l’avait pourtant placé là, et d’où pouvait provenir cette défiance, sinon d’un soupçon ? Marcel allait, dès les premiers mots, apprendre que l’employé de librairie était en effet le frère de cette Paule Gauthier dont la recherche était l’un des motifs de son voyage à Paris et qui devait intéresser bien vivement son grand-père, d’après sa première question :

– Comment va Paule ? demanda-t-il. Tu l’as vue ce matin ?

– Elle est partie trop tôt, répondit Raymond Gauthier, mais maman l’a vue. Elle était un peu agitée d’une de ses petites malades qui a deux ans et un mois, et qui souffre d’un Dolichocôlon pelvien. Vous savez comme elle prend son métier à cœur. Son Labo, c’est toute sa vie.

– Et je te présente quelqu’un d’aussi laborieux qu’elle, mon petit-fils, Marcel Breschet. Je l’ai amené ce matin pour que tu l’aides. Professeur à Nevers, il est venu à Paris pour étudier la préparation de sa thèse de docteur. Il la fera imprimer chez vous, cette thèse. Ça, c’est pour plus tard. Dès aujourd’hui, tu peux lui rendre service. Cette thèse porte sur un dieu Romain : vous avez bien, parmi vos auteurs, quelqu’un qui s’occupe de mythologie païenne ?

– En effet, répondit Gauthier, et le plus compétent qui soit dans la matière. Monsieur connaît certainement son nom : le Père Desmargerets.

– L’auteur du Symbolisme dans la sculpture antique, cet ouvrage capital ? fit Marcel.

– Et qu’il réimprime ici en ce moment, dit Gauthier. Sur quoi roule votre thèse ?

– Sur le mythe de Janus en Gaule.

– J’en parlerai au Père. Il se fera un plaisir de vous en établir un dossier. C’est sa manie. Une thèse, ça donne un volume du type de ceux-là ?

Il montrait les ouvrages qui s’étalaient sous la vitrine destinée aux nouveautés. Ces livres, on l’a déjà dit, s’accompagnaient, suivant la mode actuelle, d’une série de photographies de leurs auteurs. Marcel se mit à regarder celles-ci, de son œil de provincial, toujours intéressé par les physionomies des vedettes parisiennes. Se trompait-il ? Voici qu’il crut reconnaître, parmi six ou sept autres, avec un étonnement stupéfié, le visage du jeune homme qui attendait la veille, à la porte des Enfants-Malades, la sortie des laborantines et qui s’éloignait avec la plus jolie d’entre elles. Comme il considérait ce portrait avec plus d’attention, Gauthier lui dit :

– C’est un de nos auteurs les plus nouveaux, un monsieur Alfred Harny, jusqu’ici un poète obscur, mais qui s’est décidé à écrire des romans. Le second vient de paraître. Il est très à la page, et il en a un succès ! Son volume s’appelle le Lac caché.

– Je vais vous le prendre, fit Marcel. Je n ai rien à lire et cette figure m’intéresse.

– On mettra l’exemplaire sur mon compte, dit Marcelin Breschet, car, moi aussi, je suis un client de la boîte. Je ne suis pas un littérateur, insista-t-il, mais grâce à Raymond, je me constitue ma petite bibliothèque auvergnate où figure une bien intéressante biographie de notre ancêtre le chirurgien. Si je reste un partisan déterminé de la nouveauté dans les entreprises, nous ne les menons à bien, je m’en rends compte, qu’avec les facultés que nous héritons de nos morts. Et moi j’ai hérité de l’aïeul, – il regardait sa montre, – le scrupule de l’exactitude. J’ai un rendez-vous à trois heures et demie boulevard Suchet. Juste le temps de m’y rendre. Où veux-tu que je te dépose, Marcel ?

– Il est trop tard pour aller à la Bibliothèque Nationale, répondit le jeune homme. Je ne suis pas loin de la rue des Écoles. Je vais rentrer à pied chez moi, et lire ce Lac caché avant le dîner.

– Tu me diras ce que tu en penses, fit le grand-père. Il eut une expression dans les yeux qui s’accordait trop avec quelques-unes des idées éveillées dans l’esprit de son petit-fils. L’homme d’affaires amoureux savait-il l’intimité de l’écrivain avec la laborantine ? Car c’était bien Harny qui attendait, la veille, à la porte de l’hôpital, et celle qu’il attendait, c’était peut-être Paule Gauthier, la sœur de Raymond. Était-il possible que les deux amants eussent conçu le projet d’extorquer les cent mille francs demandés dans la lettre de Nevers ? Il fallait d’abord être sûr qu’ils fussent amants ? Tel était l’intérêt suscité chez Marcel par le mystère des relations de Paule avec l’un et l’autre des deux hommes que, tout en suivant le trottoir du boulevard Saint-Germain, il commença de feuilleter le volume qui pouvait lui révéler le caractère de Harny. N’ayant pas de coupe-papier qui lui assurât une lecture suivie, il demeura étonné, dans les quelques pages lues de-ci de-là, par l’accent d’une exaltation presque mystique. Le héros du Lac caché se dévouait moralement à une femme qu’il aimait sans le lui dire et dont le mari était son meilleur ami. Le roman, qui se passait pendant la guerre, se terminait par une scène d’une invraisemblance et d’un romanesque extraordinaire où l’amoureux, blessé grièvement sur le champ de bataille et agonisant, avouait à son ami qu’il avait passionnément aimé sa femme et lui demandait de le lui dire, quand il serait mort.

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