I.

D’abord l’auteur n’attaque pas, il défend ; il n’a pas cherché le but, le but lui a été offert : ceci change d’un seul coup l’état de la question et fait tomber la critique. L’auteur ne vient pas vanter de propos délibéré une religion chérie, admirée et respectée de tous, mais une religion haïe, méprisée et couverte de ridicule par les sophistes. Il n’y a pas de doute que le Génie du Christianisme eut été un ouvrage fort déplacé au siècle de Louis XIV, et le critique qui observe que Massillon n’eût pas publié une pareille apologie a dit une grande vérité. Certes, l’auteur n’aurait jamais songé à écrire son livre s’il n’eût existé des poèmes, des romans, des livres de toutes les sortes où le christianisme est exposé à la dérision des lecteurs. Mais puisque ces poèmes, ces romans existent, il est nécessaire d’arracher la religion aux sarcasmes de l’impiété ; mais puisqu’on a dit et écrit de toutes parts que le christianisme est barbare, ridicule, ennemi des arts et du génie, il est essentiel de prouver qu’il n’est ni barbare, ni ridicule, ni ennemi des arts et du génie, et que ce qui semble petit, ignoble, de mauvais goût, sans charmes et sans tendresse sous la plume du scandale, peut être grand, noble, simple, dramatique et divin sous la plume de l’homme religieux.

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