II.

S’il n’est pas permis de défendre la religion sous le rapport de sa beauté, pour ainsi dire, humaine ; si l’on ne doit pas faire ses efforts pour empêcher le ridicule de s’attacher à ses institutions sublimes, il y aura donc toujours un côté de cette religion qui restera à découvert ? Là tous les coups seront portés ; là vous serez surpris sans défense, vous périrez par là. N’est-ce pas ce qui a déjà pensé vous arriver ? N’est-ce pas avec des grotesques et des plaisanteries que Voltaire est parvenu à ébranler les bases mêmes de la foi ? Répondrez-vous par de la théologie et des syllogismes à des contes licencieux et à des folies ? Des argumentations en forme empêcheront-elles un monde frivole d’être séduit par des vers piquants ou écarté des autels par la crainte du ridicule ? Ignorez-vous que chez la nation française un bon mot, une impiété d’un tour agréable, felix culpa, ont plus de pouvoir que des volumes de raisonnement et de métaphysique ? Persuadez à la jeunesse qu’un honnête homme peut être chrétien sans être un sot ; ôtez-lui de l’esprit qu’il n’y a que des capucins et des imbéciles qui puissent croire à la religion, votre cause sera bientôt gagnée : il sera temps alors, pour achever la victoire, de vous présenter avec des raisons théologiques ; mais commencez par vous faire lire. Ce dont vous avez besoin d’abord, c’est d’un ouvrage religieux qui soit pour ainsi dire populaire. Vous voudriez conduire votre malade d’un seul trait au haut d’une montagne escarpée, et il peut à peine marcher ! Montrez-lui donc à chaque pas des objets variés et agréables ; permettez-lui de s’arrêter pour cueillir les fleurs qui s’offriront sur sa route, et de repos en repos il arrivera au sommet.

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