À Madame Récamier

« Lyon, vendredi 20 mai.

« J’ai passé hier le jour à errer au bord du Rhône ; je regardais la ville où vous êtes née, la colline où s’élevait le couvent où vous aviez été choisie comme la plus belle : espérance que vous n’avez point démentie ; et vous n’êtes point ici, et des années se sont écoulées, et vous avez été jadis exilée dans votre berceau, et madame de Staël n’est plus, et je quitte la France ! De ces anciens temps un personnage singulier m’a apparu : je vous envoie son billet à cause de l’inattendu et de la surprise. Ce personnage, que je n’avais jamais vu, plante des pins dans les montagnes du Lyonnais. Il y a bien loin de là à la rue Feydeau et à Maison à vendre : comme les rôles changent sur la terre !

« Hyacinthe m’a mandé les regrets et les articles de journaux ; je ne vaux pas tout cela. Vous savez que je le crois sincèrement vingt-trois heures sur vingt-quatre ; la vingt-quatrième est consacrée à la vanité, mais elle ne tient guère et passe vite. Je n’ai voulu voir personne ici ; M. Thiers, qui se rendait dans le midi, a forcé ma porte. »

Billet inclus dans cette lettre.

« Un voisin, votre compatriote, qui n’a d’autre titre auprès de vous qu’une profonde admiration pour votre beau talent et votre admirable caractère, désirerait avoir l’honneur de vous voir et de vous présenter l’hommage de son respect. Ce voisin de chambre dans l’hôtel, ce compatriote, s’appelle Elleviou. »

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