IX

Onze heures du matin. L'arrivée. Le Paris sec et triste d'une fin d'été. L'estomac creux, le cœur malade, il me semble revenir de l'autre côté du monde, avec l'envie de me coucher là et de dormir. Laissant Léonie lutter contre la douane, je m'enfuis en fiacre vers la maison…

L'arrêt de ma voiture amène sur le seuil de l'hôtel le concierge sans livrée, en manches de chemise, et sa femme – ma cuisinière – dont les joues couperosées se marbrent de rouge et de blanc… Je lis distraitement sur leurs plates figures la surprise, l'embarras, une dignité froissée de serviteurs corrects envers qui on n'agit pas correctement…

– C'est Madame !… mais nous n'avons pas reçu la dépêche de Madame !…

– C'est que je n'en ai pas envoyé.

– Ah ! je disais aussi… Monsieur n'est pas avec Madame ?

– Apparemment non. Vous me ferez déjeuner aussitôt que possible. N'importe quoi, des œufs, une côtelette… Léonie me suit avec la malle.

Je monte lentement les degrés de l'escalier, suivie du concierge qui a endossé précipitamment une tunique verte aux boutons ternis… Je regarde, dépaysée, ce petit hôtel, qu'Alain a voulu acheter… Je n'y tenais pas, moi. Mais on ne m'a pas demandé mon avis… Je pensais pourtant qu'au-dessous d'un certain prix, le petit hôtel est plus banal et plus inconfortable qu'un appartement…

Que m'importe tout cela, à présent ? Je me sens indifférente comme une voyageuse. On a posé des doigts sales sur la porte blanche de ma chambre à coucher. L'ampoule électrique du corridor est fêlée… Poussée par l'habitude ancienne, j'ouvre la bouche pour dire qu'on répare, qu'on lave… Puis, je me ravise et me détourne.

Un peu de douceur, un peu de lâcheté me détendent, quand j'ouvre ma chambre blanche et jaune… Sur ce petit bureau laqué, où la poussière paraît peu, j'ai écrit les premières lignes de mon cahier… Dans ce grand lit plat, où mon corps creuse à peine son poids léger, j'ai rêvé migraine, crainte, résignation, ombre brève d'amour, volupté incomplète… Qu'y rêverai-je à présent, dépouillée de ma peur, de ma résignation, et de l'ombre même de l'amour ? C'est une chose extraordinaire qu'une créature aussi faible que moi, aussi penchante vers tout appui moral et physique, se trouve seule, on ne sait comment, sans en périr aussitôt comme un volubilis désenlacé. Peut-être qu'on ne finit pas ainsi… si vite… Machinalement, je viens me mirer au-dessus de la cheminée.

Sans étonnement, j'eusse vu apparaître dans la glace une Annie consumée, diminuée, les épaules plus étroites, la taille plus molle encore qu'avant l'été… Mon image me surprend, et je m'accoude à l'étudier de près.

Les cheveux sombres, feutrés par une nuit en wagon, encadrent d'une marge brutale l'ovale toujours mince d'une figure brune. Mais ce pli de fatigue aux coins des lèvres ne modifie pas seul la ligne de la bouche, une bouche plus ferme, moins implorante qu'autrefois… Les yeux, eux, regardent plus droit, portent, sans faiblir à tout instant, l'auvent soyeux des cils. « Fleurs de chicorée sauvage », mes yeux si clairs, mon unique beauté véritable, je ne pourrai plus vous regarder sans penser à Claudine qui, penchée sur eux, disait par taquinerie : « Annie, on voit jusque de l'autre côté, tant ils sont clairs. » Hélas ! c'était vrai. Clairs, comme un flacon vide. Attendrie par ce souvenir, vaguement enivrée par la nouveauté de mon image, j'incline la tête, je pose mes lèvres sur ma main dégantée…

– Je dois t'y défaire la malle de Madame ?

Léonie, essoufflée, mesure d'un œil hostile cette chambre qu'il faudra « faire à fond »…

– Je ne sais pas, Léonie… J'attends une lettre… Ne sortez que les robes et les jupons de soie, le reste ne presse pas…

– Bien, Madame. Voilà justement une lettre de Monsieur que le portier allait renvoyer en Allemagne.

D'une main brusque, je prends la lettre inattendue. Pour la lire seule, je m'en vais dans le cabinet d'Alain, où je pousse moi-même les persiennes.

Ma chère Annie,

C'est un mari très fatigué qui vous écrit. Rassurez-vous ; j'ai dit : fatigué, et non malade. Il a fallu batailler ; je vous ai déjà informée des difficultés de convertir en argent ce qui était en taureaux, et vous les redirai de façon détaillée. Je suis tout au plaisir de m'en être tiré honorablement et d'en rapporter une belle somme. Vous me saurez gré, Annie, d'un voyage qui me permet d'augmenter le train de notre maison, et de vous offrir une fourrure de zibeline aussi belle que celle de Madame … vous savez qui je veux dire ? … ma sœur la nomme, trop librement : « la Chessenet ».

Le soleil est pesant à cette heure, et j'en profite pour mettre à jour ma correspondance. Dans la cour de la maison, une fille est assise, qui coud ou fait semblant de coudre. Il y a vraiment une ressemblance assez singulière, et que j'ai remarquée tant de fois, entre sa silhouette immobile, penchée, au chignon noué sur la nuque, et la vôtre, Annie. La fleur rouge est en plus ici, et le petit châle jaune aussi. N'importe, cela m'occupe et fait dévier ma pensée vers vous, et vers mon retour qui n'est plus qu'une affaire de jours…

De jours ! C'est vrai, il y a longtemps déjà… De jours ! Je finissais par croire qu'il ne reviendrait pas. Il va revenir, il va quitter la terre lointaine, la fille brune qui me ressemble et qu'il appelle peut-être Annie, les nuits d'orage… Il va revenir et je n'ai pas encore décidé mon sort, pris courage contre moi-même et contre lui !

Sans ramasser la lettre, glissée à terre, je songe en regardant autour de moi. Ce cabinet de travail, qui sert de fumoir, n'a pas gardé l'empreinte de son maître. Rien n'y traîne, et rien n'y charme. La verdure déclouée pour l'été laisse un grand panneau de mur blanc, non tendu. Je suis bien mal ici, je ne resterai pas à Paris.

– Léonie !

Le bon gendarme accourt, une jupe pendue à chaque index.

– Léonie, je veux partir demain pour Casamène.

– Pour Casamène ? Oh ! ma foi, non.

– Comment, non ?

– Madame n'a pas écrit à la jardinière, la maison est fermée et pas nettoyée, les provisions pas faites. Et puis, il me faudrait bien deux jours pour les choses qu'on a besoin ici, les jupes de toujours de Madame ont la doublure abîmée, la robe en linon blanc qu'on n'a pas trouvé de teinturier pour elle en Allemagne ; le jupon qui va avec, sa dentelle il faut qu'on la remplace, et encore…

Je ferme les oreilles à deux mains, la syntaxe de Léonie m'impressionne.

– Assez, assez ! Vous avez deux jours pour tout cela. Seulement, écrivez vous-même à la jardinière que… (j'hésite un moment…) que je n'amène que vous. Elle fera la cuisine.

– Bien, Madame.

Léonie sort d'un pas digne. Je l'aurai froissée une fois de plus. Il faut tant d'égards envers les subalternes ! Tous les domestiques qui ont passé dans cette maison ont été de vraies sensitives, des sensitives grognon, qui ressentaient vivement les nuances de l'humeur d'autrui et le laissaient paraître sur leurs visages, en l'absence d'Alain.

Je pars demain. Il est temps, ma patience s'use. Tout ce décor de ma vie conjugale me devient intolérable, même le salon Louis XV où j'attendais le vendredi, docile et horrifiée, le coup de sonnette de la première visiteuse. J'exagère : En ce temps-là, qui recule étrangement, j'étais plus docile qu'horrifiée, et presque heureuse, d'un bonheur incolore, peureux. Errante aujourd'hui, démoralisée et pourtant plus têtue, mon sort est-il meilleur ? C'est un problème bien ardu pour une cervelle aussi fatiguée.

Je ne laisse guère de moi dans ce petit hôtel étroit et haut comme une tour. Alain n'a pas voulu des meubles de grand-mère Lajarisse, ils sont demeurés à Casamène. Quelques livres, deux ou trois portraits d'Annie…, le reste appartient à mon mari. Je lui ai donné, il y a trois ans, ce petit bureau anglais, qu'il a gardé miséricordieusement dans son cabinet de travail. Je tire, indiscrète, la poignée de cuivre du tiroir, qui résiste. Un homme d'ordre ferme ses tiroirs en partant pour un si long voyage. En regardant de plus près, je découvre, scellé minuscule, une petite bande de baudruche gommée, à peu près invisible… Peste ! mon mari montre une confiance relative en son personnel. Mais une précaution aussi dissimulée vise-t-elle seulement le valet de chambre ?… Brusquement la venimeuse figure de Marthe m'apparaît : « dix-huit mois, ma chère, dix-huit mois de correspondance suivie, de rendez-vous réguliers… »

J'aimerais assez connaître le style de Valentine Chessenet. Non pas, grand Dieu, qu'une jalousie physique m'étreigne, que la fièvre pousse ma main… C'est simplement, qu'au point où j'en suis venue, les scrupules me semblent un luxe ridicule.

… Les petites clefs de mon trousseau échouent l'une après l'autre sur la serrure anglaise. Cela m'ennuie de recourir à quelqu'un. Je cherche… Cette règle plate, en fer poli, sur la table à écrire… Oui, en faisant levier sous le tiroir… Que c'est dur ! J'ai chaud, et l'ongle de mon pouce est cassé, un petit ongle rose si soigné au bout de ma main brune… Oh ! quel craquement ! Si les domestiques entraient, croyant à un accident ! J'écoute une minute, effrayée. Les cambrioleurs doivent mourir fréquemment de maladie de cœur…

Le bois de frêne clair a éclaté. Encore un peu de travail et le tablier du joli meuble, fendu, éventré, tombe, suivi d'une avalanche de papiers.

Me voilà interdite comme une petite fille qui a renversé une boîte de dragées ! Par où commencerai-je ? Ce ne sera pas long ; chaque petite liasse, méthodiquement serrée d'un caoutchouc, porte une inscription :

Voici Factures acquittées, voici Titres de propriété, voici Pièces relatives au procès des terrains (quels terrains ?) puis Reçus de Marthe (ah ?) Lettres de Marthe, Lettres d'Annie (trois en tout), Lettres d'Andrée (mais quelle Andrée ?) Lettres… Lettres… Lettres… ah ! enfin : Lettres de Valent

Je vais doucement tourner la clef de la porte, puis, assise sur le tapis, j'éparpille au creux de mes genoux la liasse assez copieuse.

« Mon rouquin d'amour… », « Mon petit homme blanc » (elle aussi !), « Cher ami », « Monsieur », « Méchant gosse… », « Sale lâcheur… », « Ma cafetière en cuivre rouge »… Les appellations varient, certes, plus que le fond des lettres. L'idylle est complète, pourtant. On peut chronologiquement la suivre, depuis le petit bleu « J'ai fait une gaffe en me donnant si vite… » jusqu'au « Je ferai tout pour te ravoir, j'irai plutôt te chercher chez ta petite oie noire… »

En marge ou au verso de toutes les lettres, la raide écriture d'Alain a noté : « Reçu le… Répondu le… par télégramme fermé. » Je l'aurais reconnu à ce trait. Ah ! elle peut bien l'appeler rouquin d'amour, ou mimi blanc, ou théière… cafetière, je ne sais plus… c'est toujours le même homme !

Qu'est-ce qu'il faut faire de tout cela, à présent ? Envoyer le paquet de lettres sous pli cacheté, à l'adresse d'Alain écrite de ma main ? On procède ainsi dans les romans. Mais il croirait que je l'aime encore, que je suis jalouse. Non. Je laisse tous les papiers à terre, au pied du meuble cambriolé, avec la règle plate et le trousseau de mes petites clefs. Ce saccage met un réjouissant désordre dans la pièce sans âme. Emportons les Lettres d'Annie… Là, c'est fini… La figure d'Alain quand il reviendra !

* * *

Une enveloppe bleue s'accote à ma tasse sur le plateau du petit déjeuner. Au timbre bavarois moins qu'à l'écriture grasse et ronde, j'avais deviné la réponse de Claudine. Elle me répond vite : elle a pitié… Son écriture lui ressemble, sensuelle, vive, droite, et d'où s'élancent des boucles courtes et gracieuses, des barres de T renflées, despotiques…

Ma douce Annie,

Je ne verrai donc plus, de longtemps, les yeux uniques que vous cachez si souvent sous vos cils, comme un jardin derrière une grille, car il me semble que vous voilà partie pour un grand voyage… Et quelle idée avez-vous de me demander un itinéraire ? Je ne suis ni l'Agence Cook, ni Paul Bourget. Enfin, nous verrons ça tout à l'heure, je veux vous dire d'abord le plus pressé, qui est banal comme un fait divers.

Dans la journée qui suivit votre départ, je ne rencontrai pas le ménage Léon à Tristan. Votre beau-frère, ce n'est rien, mais Marthe manquant les entractes de Tristan, les plus sensationnels après ceux de Parsifal ! Nous rentrons du théâtre comme d'habitude, à pied, moi pendue au bras de mon cher grand, et nous songeons tous deux à faire un petit détour pour prendre des nouvelles de Marthe… Horreur ! l'honnête maison Meider ouverte à tout venant, quatre petites filles en tabliers roses qui courent comme des rats. Marthe, enfin, dont j'entrevois le fanal rouge en racines droites et qui nous claque la porte au nez pour nous empêcher d'entrer… Renaud parlemente avec une bonne, écoute ce qu'elle gémit en bavarois ponctué de Yo ! Et m'emmène, si étonné, qu'il avait presque l'air bête… J'exagère.

Savez-vous quoi, Annie ? Léon venait de s'empoisonner, comme une modiste plaquée ! Il avait bu du laudanum, et d'un tel cœur, qu'il s'était collé une indigestion monstre ! Vous allez penser tout de suite que le suicide de Liane hanta ce cerveau éminemment parisien ? Pas du tout. Au cours d'une scène vive, Marthe très énervée – la chronique ne dit pas pourquoi – avait traité son époux de « cocu » avec tant de fréquence et de conviction que le malheureux n'avait plus douté de ce qu'on appelle en style de reporter « l'étendue de son malheur ».

Va pour étendue.

Le lendemain, je tente une reconnaissance, toute seule : Marthe me reçoit, épouse modèle, et me raconte la « fatale erreur », se lève dix fois pour courir auprès du malade… Maugis n'était pas là, parce qu'une dépêche urgente l'avait appelé à Béziers la veille du soir. C'est curieux tout de même, Annie, ce qu'on voit de départs urgents dans la colonie française de Bayreuth !…

Rassurez-vous vite, enfant craintive, le suicidé va bien ; Marthe le soigne comme un cheval qui doit courir le Grand Prix. Sous peu de jours il sera en état de reprendre son travail à raison de quatre-vingts lignes quotidiennes au lieu de soixante, pour rattraper le temps perdu. Votre belle-sœur est une femme intelligente et qui comprend à merveille que la situation de femme mariée et de beaucoup supérieure à celle de la femme divorcée, ou à certains veuvages, même lucratifs.

Vous voilà au courant. Parlons de vous. De vous, embarrassante petite créature, si lente à se connaître elle-même, si prompte, le jour venu, à s'enfuir, silencieuse et coiffée de noir, comme une hirondelle qui émigre.

Vous partez, et votre fuite et votre lettre sont comme un reproche pour moi. Que je vous regrette, Annie à l'odeur de rose ! Il ne faut pas m'en vouloir. Je ne suis qu'une pauvre bête amoureuse de la beauté, de la faiblesse, de la confiance, et j'ai bien du mal à comprendre que, lorsqu'une petite âme comme la vôtre, s'appuie sur la mienne, qu'une bouche s'entrouvre, comme la vôtre, vers la mienne, je ne doive pas les embellir encore, l'une et l'autre, d'un baiser. Je ne le comprends pas très bien, vous dis-je, quoiqu'on me l'ait expliqué.

On a dû, Annie, vous parler de moi, et d'une amie, que j'aimais trop simplement, trop entièrement. C'était une fille méchante et séduisante, cette Rézi, qui voulut mettre entre Renaud et moi sa grâce blonde et dévêtue, et se donner le littéraire plaisir de nous trahir tous les deux… À cause d'elle j'ai promis à Renaud – et à Claudine aussi – d'oublier qu'il peut y avoir de jolies créatures faibles et tentantes, qu'un geste de moi pourrait enchanter et asservir…

Vous partez, et je vous devine tout en désordre. J'espère, pour vous et pour lui, que votre mari ne va pas revenir tout de suite. Vous n'êtes encore ni assez clairvoyante, ni assez résignée. Que vous n'aimez pas, c'est un malheur, un malheur calme et gris, oui Annie, un malheur ordinaire. Mais songez que vous pourriez aimer sans retour, aimer et être trompée… C'est le seul grand malheur, le malheur pour lequel on tue, on brûle, on anéantit… Et on a rudement raison ! Ainsi, moi, si jamais… Pardonnez-moi, Annie, j'allais oublier qu'il s'agit ici uniquement de vous. Une amoureuse a bien de la peine à cacher son égoïsme.

« Conseillez-moi ! » suppliez-vous. Comme c'est commode ! Je vous sens prête à diverses sottises, que vous accomplirez doucement, avec une mollesse entêtée, avec cette grâce de jeune fille qui donne tant d'incertitude et de charme à tous vos gestes, sinueuse Annie.

Je ne veux pourtant pas, bon sang ! vous dire tout à trac : « On ne vit pas avec un homme qu'on n'aime pas, c'est de la cochonnerie », bien que cette opinion ne diffère pas sensiblement de ma vraie pensée. Mais je puis, du moins, vous raconter ce que j'ai fait :

Munie d'un gros chagrin, et d'un petit bagage, je suis rentrée dans mon terrier natal. Pour mourir ? Pour y guérir ? Je n'en savais rien en partant. La divine solitude, les arbres apaisants, la nuit bleue et conseillère, la paix des animaux sauvages, m'ont détournée d'un dessein irréparable, m'ont reconduite doucement au pays d'où je venais – au bonheur…

Ma chère Annie, vous pouvez toujours essayer.

Adieu. Ne m'écrivez pas, si ce n'est pour m'annoncer que le traitement opère. Car j'aurais trop de regret de n'en pouvoir recommander un autre.

Je baise, des cils au menton, tout votre visage qui a la forme fuselée et presque la nuance d'une aveline mûre. De si loin, les baisers perdent leur poison, et je puis poursuivre une minute, sans remords, notre rêve du Jardin de la Margrave.

CLAUDINE.

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