Le soir, les illuminations

C’est beau, une foule. Celle-ci, égayée de chapeaux clairs, de visages féminins, coule d’un flot si lent que son courant est à peine sensible, sous les feux colorés de la rue Royale. Place de la Concorde, une invisible colle fige deux cents automobiles et plus. Aucune impatience : on s’installe pour un bout de temps, bord à bord, comme sur la rivière anglaise. Des familles fusionnent, des jeunes gens échangent une cigarette, les enfants perchent sur le toit renversé des landaulets… Derrière nous, il y a un grand pan libre de ciel d’avril, sombre, étoilé, coupé par le jet de lumière lactée qui tombe de la tour Eiffel.

Les illuminations… Eh bien, non, ce n’est pas ça. Les maisons de la rue Royale, derrière leur double ruisseau électrique, tombent dans une ombre massive où se perdent leurs drapeaux claquants. Le boulevard, éteint ici, allumé là, n’a que des touches de lumières. L’avenue de l’Opéra n’a pas éclairé ses guirlandes et noircit comme au lendemain d’une fête. La rue de la Paix triomphe facilement, et nous y apprenons surtout ce qu’il eût fallu faire et ne point faire. Un peu plus d’« entente cordiale » entre les commerçants, un peu plus d’amitié décorative, un peu de soumission à une idée directrice, qui a manqué, et Paris s’embrasait d’un incendie concerté, réparti, bleu et jaune comme les trois fenêtres de cette commerçante habile, par exemple, ou rose d’aurore, ou tout arrosé de rivières légères, en émeraudes vives…

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