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Mon premier mouvement, après avoir lu la missive de Mrs Catherick, fut de la déchirer, mais après réflexion, je la gardai – non à cause de sir Percival, car à son sujet, la lettre ne faisait que confirmer mes suppositions ; entre autres choses, j’étais persuadé, et je le note maintenant en passant, qu’il ne s’était jamais douté de l’existence d’une copie du registre des mariages. Je la gardai, parce qu’elle pouvait me servir à découvrir finalement qui était le père d’Anne.

Le lendemain, dernier jour que je devais passer dans le Hampshire, je me rendis, comme je l’avais fait chaque matin, à la poste, où une lettre de Marian m’attendait régulièrement. Cette fois, elle était brève :

« Revenez aussi vite que possible, m’écrivait Marian. J’ai été obligée de déménager ; vous nous trouverez à Gower’s Walk, n° 5, Fulham. Ne vous alarmez pas, nous allons très bien toutes deux ; mais revenez. »

Le papier froissé dans la main, je restai bouleversé, car je soupçonnais une nouvelle machination du comte Fosco… Qu’avait-il inventé en mon absence ?… Et dire que j’étais ici dans l’impossibilité de partir, puisque je devais me tenir à la disposition de la justice !

L’après-midi, l’enquête recommença avec sa lenteur habituelle ; je dus maîtriser mon impatience, mais pas une fois, à cette seconde séance, on ne demanda mon témoignage. Mr Merriman, l’avocat-conseil de feu sir Percival, était arrivé de Londres. Il déclara seulement que son étonnement était égal à son émotion, et qu’il ne savait rien qui pût éclaircir cette mystérieuse affaire. Il suggéra bien certaines questions que posa le coroner, mais ce fut sans résultat. Après 3 heures de délibération, le jury conclut à une mort par accident. On ajouta à l’acte que l’on n’avait pas su prouver comment les clés avaient été volées, comment l’incendie s’était déclaré, ni dans quel but la victime s’était introduite dans la sacristie. La séance fut levée.

Je courus régler ma note à l’hôtel, et je demandai un fiacre pour me conduire à Knowlesbury. Un monsieur, qui se trouvait au bureau en même temps que moi, me déclara devoir faire le même chemin et me proposa de prendre place dans sa voiture : ce que j’acceptai tout de suite.

Ce monsieur était un ami de Mr Merriman. Il m’apprit que les embarras d’argent de sir Percival Glyde étaient de notoriété publique, qu’il était mort sans testament et que, d’ailleurs, il ne laissait aucune fortune personnelle ; celle qu’il avait eue de sa femme avait été engloutie par les créanciers. L’héritier de la propriété était le fils du cousin germain de sir Félix Glyde, officier de la marine marchande.

Quoique j’eusse l’esprit préoccupé par la pensée d’atteindre Londres au plutôt, les informations de mon compagnon m’intéressèrent au plus haut point. Elles confirmaient mon intention de ne pas divulguer la fraude de sir Percival, cette divulgation ne pouvant plus servir à rien.

Arrivé à Knowlesbury, je me précipitai à l’hôtel de ville où, personne n’ayant déposé contre moi, je fus définitivement libéré.

Une demi-heure plus tard, l’express m’emportait vers Londres.

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